Dans moins d'une heure, son petit manège aura tourné à l'algarade avec trois hommes avec lesquels elle finira au poste de police.
Mais pour l'heure, cette petite femme aux vêtements amples s'adonne à son activité nocturne depuis vingt ans: nourrir et soigner les chats qui rôdent dans la Vieille ville, et capturer les femelles pour les faire stériliser.
Pour beaucoup, elle est devenue "la dame aux chats", mais elle n'aime pas ce surnom.
"M'appeler la dame aux chats, c'est dire que personne d'autre ne lèverait le petit doigt pour un animal en détresse. C'est une injure faite à la race humaine", explique-t-elle à l'AFP.
100.000 chats
Tova Saul, une juive orthodoxe âgée d'une cinquantaine d'années, est arrivée des Etats-Unis dans les années 1980 "chercher l'homme de (ses) rêves" en Israël. A la place, elle est tombée amoureuse des chats de Jérusalem.
Elle vit aujourd'hui dans un quartier juif de la Vieille ville dans un deux-pièces avec... cinq chats et six chatons.
Les chats errants sont omniprésents dans de nombreux pays du bassin méditerranéen, de Chypre à l'Egypte --berceau de leur domestication-- en passant par Israël.
Ils seraient plus de 100.000 à Jérusalem, estime la municipalité. Des centaines, peut-être des milliers, parcourent les ruelles séculaires de la Veille ville, enclave dédaléenne d'un kilomètre carré ceinte de murailles et abritant une multitude d'échoppes et de restaurants, véritable garde-manger pour matous.
Sous la pression des amis des animaux, la Ville a renoncé depuis une dizaine d'années à empoisonner les chats.
Leur nombre a augmenté et les budgets pour contenir cette expansion démographique --par stérilisation-- sont serrés, la municipalité préférant dépenser ses deniers à d'autres causes dans une ville pauvre, explique Assaf Brill, chef des services vétérinaires.
La municipalité s'en remet donc à des volontaires, et Tova Saul, assure-t-il, est l'une des plus actives.
'Bon coeur'
Elle dit avoir attrapé et fait stériliser plus de 600 femelles depuis qu'elle a commencé à tenir un décompte en 2009.
"620 chattes qui auraient fait des petits, à raison de trois ou quatre chatons deux ou trois fois par an", calcule-t-elle. La plupart d'entre eux seraient morts dans d'horribles souffrances, assure-t-elle.
Elle dit avoir dépensé l'an dernier 15.000 dollars (12.000 euros) alors qu'elle n'a reçu que 7.000 dollars en dons. Quand elle ne s'occupe pas de chats, elle guide et héberge des touristes.
L'AFP l'a accompagnée en mission dans le quartier musulman de la ville un mercredi comme les autres.
Jérusalem abrite les lieux saints de trois religions monothéistes -judaïsme, christianisme et islam. La ville est aussi divisée entre sa partie israélienne et sa partie palestinienne qu'Israël a annexée et occupe militairement depuis 50 ans.
Avec la persistance du conflit israélo-palestinien dont la Vieille ville occupée est l'épicentre, nombre de juifs hésitent à se rendre dans cette partie de la cité de peur d'être attaqués.
Tova, juive américano-israélienne qui ne connaît qu'une seule phrase dans un arabe hésitant -- "Allah et Mahomet veulent que les hommes forts soient gentils avec les animaux"-- avoue avoir aussi eu quelques craintes.
"Un certain nombre de fois, ils (les Palestiniens) m'ont demandé: +Qu'est-ce que vous faites ?+ Je le leur explique. Alors ils me regardent avec leurs grands yeux marron, et ils disent: +Ouah, merci, vous avez bon coeur+".
Altercation
En ce mercredi, elle capture un premier chat qui passera chez le vétérinaire le lendemain matin. Un second s'apprête à entrer dans un autre piège, attiré par la nourriture placée au fond de la cage. Mais le passage d'un groupe de jeunes le fait fuir, au grand dam de Tova.
Quelques minutes plus tard, trois juifs ultra-orthodoxes, reconnaissables à leur costume noir et à leur chapeau à large bord, s'approchent du piège. Elle leur demande, poliment d'abord, de s'éloigner. Ils refusent et le ton monte.
Les gens très religieux ont souvent peu d'expérience avec les animaux, dit Tova.
"C'est exactement comme ça que se comportaient les nazis", s'indigne l'un des hommes sans que l'on sache si son rejet des animaux est motivé ou pas par des croyances religieuses. "Hitler embrassait son chien et envoyait les gens au four crématoire", ajoute-t-il.
Tova Saul est hors d'elle. "Un juif traite un autre juif de nazi?", crie-t-elle. Elle lance une portion de houmous sur l'un de ses contradicteurs. La police arrive et emmène tout le monde au poste.
Après quelques excuses de part et d'autre, chacun repart sans être inquiété. Tova retourne à sa voiture chercher de nouveaux pièges. Il est 2H30 du matin. Pour elle comme pour ses chats, la nuit ne fait que commencer.
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