Il a reconnu les erreurs: "Je présente mes excuses à la population", a-t-il dit, s'inclinant pendant huit longues secondes devant les caméras.
Le taux de soutien du gouvernement conservateur Abe est tombé de plus de 60% à moins de 40%, et parfois moins de 30%, dans les enquêtes d'opinion en l'espace de quelques semaines.
Il est remonté à 45/48% dans la foulée du remaniement intervenu le 3 août, "mais le regard sévère de la population restera", estime le chef du service politique du quotidien Nikkei, Kasuyuki Uchiyama.
"Le fait notamment qu'il ait perdu le soutien de l'électorat féminin est grave", ajoute le politologue octogénaire Minoru Morita, qui note qu'à un moment donné "le gouvernement Abe était vraiment très puissant".
Soupçons de favoritisme de la part du chef du gouvernement lui-même envers des amis ("ce qui détruit le plus la confiance des électeurs nippons", selon M. Morita), pression sur les fonctionnaires, gaffes de langage et dissimulation de documents: la liste des scandales s'est affichée en une de toute la presse.
"Quand la tête de l'exécutif est corrompue, même si on change les ministres, ça n'a pas de sens", s'est énervé sur Twitter Ichiro Ozawa, ténor du Parti Démocrate du Japon.
Cette formation d'opposition, encore plus mal en point, et d'autres appellent à une dissolution de la chambre basse du Parlement et à des élections législatives, une option écartée pour l'heure par le Premier ministre: "J'ai formé un nouveau gouvernement de travailleurs pour produire des résultats concrets et recouvrer la confiance".
"La décision de dissoudre ou non appartient à M. Abe, mais si la cote de popularité de l'exécutif baissait encore, cette option ressortirait", estime le politologue Atsuo Ito. Profitant d'une opposition en miettes, le dirigeant nationaliste pourrait ainsi s'offrir, comme il l'a déjà fait dans le passé, un nouveau plébiscite dans les urnes.
Vieux démons
En attendant, s'il a "choisi des figures expérimentées" pour entraîner une équipe de 19 personnes, il a fait aussi du neuf avec du vieux: "Cinq ministres ont été gardés", relève le journal de droite Yomiuri. Parmi les autres, plusieurs, dont ceux nommés à la Défense et à la Revitalisation économique, avaient été écartés d'un précédent gouvernement Abe à l'occasion d'un autre remaniement.
L'échec ou la réussite dépend essentiellement d'un facteur, juge Brad Glosserman, du groupe d'étude Pacific Forum CSIS: "A quel degré M. Abe va pouvoir conduire des réformes économiques. Il doit être attentif à ce qui préoccupe vraiment les électeurs".
"La stratégie abenomics (débutée en 2012) est restée à mi-chemin et il est surtout nécessaire d'éliminer l'anxiété de la population", rappelle aussi le Yomiuri.
Or c'est précisément ce que M. Abe semble avoir laissé de côté lorsqu'il s'est occupé, grâce à sa majorité écrasante au Parlement, de faire voter des lois pour le moins impopulaires, dont celle sur le "délit de complot" présentée comme nécessaire contre le terrorisme, suscitant un rare mouvement de protestation d'intellectuels.
"Sa mise en oeuvre risque d'entraîner une surveillance étroite de citoyens lambda au mépris de leur vie privée", un fait qui a aussi contribué à éloigner M. Abe de la population, insiste auprès de l'AFP un de ses plus vigoureux détracteurs, l'essayiste et romancier Keiichiro Hirano.
"Il ne doit pas oublier de prêter une oreille attentive à des opinions différentes", insiste à cet égard le Yomiuri.
La crainte est en effet que M. Abe, se sentant relégitimé si les sondages remontent, soit rattrapé par ses vieux démons, son but ultime: réécrire la Constitution pacifiste, ce au détriment de la politique économique, pourtant érigée en "priorité absolue".
"On peut craindre les effets secondaires des débats sur la réforme constitutionnelle que le Premier ministre aimerait voir actée en 2020", s'inquiète ainsi M. Uchiyama, sachant que là est la raison même pour laquelle M. Abe a manoeuvré pour reprendre le pouvoir et le conserver, après un échec en 2006-2007.
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