Pour une source de sécurité ayant requis l'anonymat, ce n'est pas la première fois que ces deux mouvements insurgés coopèrent contre les forces gouvernementales, mais dans le climat délétère que connait le pays, cette collusion laisse craindre encore plus de désordres et de violences pour la population.
Les talibans qui ont revendiqué dimanche la prise de contrôle du district de Sayad, verrou stratégique à une quinzaine de km de la capitale de la province septentrionale de Sare-Pul, ont démenti "fermement" toute coopération avec l'EI.
Pour Zabihullah Mujahid, leur porte-parole joint par l'AFP, "c'était une opération indépendante menée par nos moudjahidine, Ghazanfar est notre commandant à Sare-Pul", a-t-il affirmé. "Les habitants ont mal compris".
Mais les responsables locaux affirment le contraire.
"C'est une opération conjointe de Daech (acronyme arabe de l'EI) et des talibans, ils ont recruté des forces dans les autres provinces pour attaquer Mirza Olong", un village chiite du district de Sayad, a déclaré à l'AFP le porte-parole du gouverneur de Sare-Pul, Zabihullah Amani.
Selon lui, "des dizaines de talibans et de combattants de Daech commandés par Sher Mohammad Ghazanfar, un commandant local qui a fait allégeance à l'EI" étaient arrivés sur place jeudi après-midi. Les combats ont duré 48 heures.
"Selon les bilans reçus du terrain jusqu'à présent, environ 50 personnes, en majorité des civils, ont été massacrées par les talibans. Elles ont été exécutées, abattues par balles et pour certaines, décapitées".
"jetés dans le vide"
"Certains ont été forcés à se jeter dans le vide" depuis des falaises dans cette région montagneuse, a poursuivi M. Amani. Des méthodes employées notamment en Syrie par l'EI.
Mohammad Noor Rahmani, chef du conseil provincial a avancé un bilan de "50 martyrs, dont 44 civils" - les autres appartenant à l'ALP (la police auxiliaire dans les campagnes) ou à l'armée.
"Mais c'est un bilan susceptible d'évoluer" a-t-il insisté, "la zone est inaccessible et les téléphones ne fonctionnent pas".
Les talibans qui rejettent depuis dimanche les accusations de massacre, ont revendiqué la mort de 28 ALP.
Pour une source sécuritaire à Kaboul, jointe par l'AFP et qui confirme "au moins 50 morts", "les talibans ont créé le chaos qui a permis ces atrocités".
"A part dans le Nangarhar (est) et à Kunar (nord-est), partout ailleurs les talibans et l'EI collaborent ponctuellement; ils jettent des passerelles entre eux quand ça les arrange. Il n'y a pas de distinctions idéologiques strictes entre ces groupes", estime-t-il.
Il cite au moins trois précédents, survenus dans des régions troublées du Badakhshan (nord-est), de Zabul (sud) et surtout dans la province de Kunduz (nord) "où le commandant taliban Mawlani Salam avait noué des alliance avec l'EI avant qu'on ne l'abatte l'hiver dernier", précise-t-il.
Depuis leur apparition dans l'est de l'Afghanistan en 2015, les combattants de l'EI s'en prennent régulièrement à la minorité chiite et à ses mosquées, comme le 1er août à Herat (ouest), dernier attentat en date qui a fait 33 morts parmi les pèlerins rassemblés en prière.
Les forces de l'EI sont surtout composées d'anciens talibans, afghans et pakistanais et de membres venus d'autres mouvements insurgés comme le Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (IMU), qui changent de drapeau au gré des offres de recrutement, estiment les observateurs.
Confiné initialement à une poignée de districts dans l'est, où les forces américaines les traquent, au sol et avec des frappes aériennes, l'EI a gagné du terrain dans les provinces du nord, celles notamment où l'IMU était présent.
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