Son père, général de l'armée afghane assassiné quand elle n'avait que 10 ans, ne pourra pas voir sa fille (29 ans) fouler la pelouse d'Enschede (Pays-Bas) pour disputer dimanche la finale de l'Euro-2017 féminin. Si quelqu'un n'aurait pas voulu manquer cela c'est bien lui, l'homme qui, dans un pays contrôlé par les Talibans, et où la pratique du sport par les femmes étaient déclarée "haram" (illicite, ndlr), avait initié sa fille à ses premiers tirs dans un ballon.
"Nous n'avions pas d'autre choix que de fuir le pays (en 2000, en compagnie de sa mère et de ses quatre soeurs, ndlr) parce que c'était devenu trop dangereux de vivre là-bas", a confié Nadim à l'AFP.
"Nous avons été aidés par un passeur pour rejoindre le Danemark, et aujourd'hui me voilà ici", à un match de rentrer dans l'histoire sportive de son pays d'adoption, quinze après l'exploit de la sélection masculine lors de l'Euro-1992, alors que sa famille pensait atterrir au départ... au Royaume-Uni!
C'est dans le camp de réfugiés près d'Aalborg qu'elle s'est mise à développer sa puissance de frappe, en jouant avec les garçons. "Il n'y avait rien à faire d'autre, alors que juste à côté du centre, il y avait un gros club. C'est là que j'ai commencé", raconte la buteuse, grands yeux noirs et visage élégant.
Après un passage dans plusieurs clubs danois, elle finit par rejoindre les Etats-Unis et son prestigieux championnat de "soccer" féminin en 2014 grâce à son jeu en puissance.
"Je me souviens quand j'étais plus jeune, je devais imaginer ce que serait de devenir une joueuse de football professionnel. C'était par le chemin que je vis maintenant", savoure la joueuse des Portland Thorns.
'Changer les mentalités'
Décisive lors de la victoire surprise en quarts contre l'Allemagne (2-1), en inscrivant le but de l'égalisation, Nadim n'aurait jamais pu porter le maillot danois en vertu des lois sur la nationalité danoise, sans une dérogation obtenue par sa fédération en 2009.
"Je ne suis pas étonnée (par son parcours) parce que quand je la vois au quotidien, c'est une battante. Elle ne lâche jamais rien. Avant l'Euro, elle n'avait pas joué pendant un mois, et contre l'Allemagne, elle offre presque la victoire à son équipe", confie à l'AFP Amandine Henry, sa coéquipière à Portland.
"C'est beau, ajoute admirative la milieu de terrain de l'équipe de France. J'espère qu'elle reviendra avec la coupe".
Malgré une vie occupée entre son club aux Etats-Unis, et ses études de médecine au Danemark, Nadim n'a jamais oublié son pays, et la condition des filles afghanes désirant pratiquer le sport de haut-niveau.
"Il commence à avoir quelques athlètes féminines, une équipe de foot féminin essaye aussi de se mettre en place", explique-t-elle, tout en espérant que ce "progrès continuera".
"J'espère aussi surtout que je pourrai contribuer à cela, pour montrer qu'il est possible de le faire en étant une femme musulmane", ajoute-t-elle, convaincue du "rôle-clé" que peut avoir le sort pour "ouvrir plus de portes".
"Le sport a l'énorme pouvoir de changer les mentalités... Je le sais de ma propre expérience", souligne-t-elle encore. Une victoire à l'Euro donnera à son parcours incroyable encore plus d'impact.
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