D'anciennes détenues ont mis à profit leur expérience derrière les barreaux pour faire bénéficier les autres des astuces qu'elles avaient alors trouvées pour se fabriquer leur maquillage, afin de retrouver un peu de dignité.
Au coeur du projet: Prontip Mankong, 29 ans, qui a passé deux ans en prison pour lèse-majesté après avoir pris part à une pièce de théâtre étudiante, considérée comme une diffamation de l'institution royale.
Pendant sa détention, Prontip avait mis au point une recette à base de vaseline et de colorant alimentaire pour se fabriquer un ersatz de rouge à lèvres.
"Le rouge à lèvres nous redonnait confiance en nous et nous permettait de nous exprimer, dans un endroit où la liberté est limitée", explique Prontip Mankong, libérée en août 2016.
Avec d'anciennes co-détenues, elle a alors eu l'idée de collecter des rouges à lèvres usagés et de les faire fondre afin de réaliser des tubes de "seconde main" pour les détenues.
Les résidus de pâte de rouge à lèvres sont triés par couleur, portés à ébullition puis mis à refroidir dans des moules.
Ils doivent être distribués gratuitement la semaine prochaine dans une prison de Bangkok qui a accepté de jouer le jeu avec l'association créée par Prontip.
Elle voit dans cette initiative un moyen d'alléger la vie des prisonnières, et de leur remonter un peu le moral, notamment à celles que les proches n'ont pas les moyens d'aider financièrement pour améliorer l'ordinaire carcéral.
Certes, elles peuvent travailler en prison, dans des ateliers de confection ou en cuisine, mais les salaires sont dérisoires.
Et les détenues concentrent leurs dépenses sur des fournitures de base comme des serviettes hygiéniques, du shampoing ou des anti-douleurs.
"Obtenir des cosmétiques, c'est très difficile et très cher", explique Prontip à l'AFP, évoquant le marché noir des produits cosmétiques.
"L'argent finit dans les poches des prisonnières influentes" qui contrôlent ce marché noir, accuse Prontip, dont la belle assurance se craquelle soudain à l'évocation de ses années de prison.
La vie est particulièrement difficile pour celles qui, comme elle, ont été condamnées pour lèse-majesté, un sujet tabou en Thaïlande.
Au-delà du maquillage
Avec son organisation, "Fairly-tales", Prontip veut aller plus loin que de fournir des rouges à lèvres aux détenues: elle espère pouvoir organiser des ateliers de maquillage avec elles, l'occasion d'échanger sur leurs vies en prison.
"J'ai vécu cela de l'intérieur et je veux améliorer les choses. C'est mon habitude, où que j'aille, de vouloir me rendre utile", explique la jeune femme, dont la volonté de changer une société thaïe très conservatrice n'a pas été émoussée.
"La campagne autour des rouges à lèvres peut sembler légère, mais pour moi c'est un point de départ... L'étape suivante, c'est d'obtenir de meilleures conditions de vie pour les prisonnières", avec assez d'eau pour se laver, des salaires décents pour celles qui travaillent, du maquillage à un prix normal, détaille-t-elle.
Les conditions de vie dans les prisons de Thaïlande sont en effet difficiles, avec des dortoirs surchargés, y compris dans les prisons pour femmes.
Proportionnellement à sa population totale, la Thaïlande a le plus fort taux d'incarcération féminine, avec 113 femmes emprisonnées sur 100.000 habitantes, rappelle un récent rapport de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH).
Cette surreprésentation tient notamment à une politique anti-drogue très répressive: les femmes étant fréquemment utilisées par les trafiquants pour transporter de la drogue, elles se retrouvent souvent avec de longues peines, de plusieurs années de prison, même quand elles n'ont été interpellées qu'avec quelques méthamphétamines sur elles. Au total, 82% des prisonnières sont en prison pour de la drogue.
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