Dans le cadre d'une enquête démarrée en octobre 2016, le procureur de Trapani en Sicile, qui a ordonné la saisie "préventive" du "Iuventa", soupçonne l'équipage de ce bateau affreté par l'ONG allemande Jugend Rettet, d'avoir adopté des "comportements favorisant l'immigration illégale". Le navire a été bloqué mercredi à Lampedusa, île au sud de la Sicile et au nord de la Libye.
Le même jour, le Parlement italien a donné son feu vert à l'envoi de navires militaires en Libye et un premier bateau, un patrouilleur, a fait son entrée dans l'après-midi dans les eaux territoriales libyennes.
L'Italie n'a aucune intention de faire "un blocus naval", ce qui serait "un acte hostile", a affirmé le gouvernement italien, insistant sur une "demande de soutien et d'aide aux garde-côtes libyens", dans la lutte contre les trafiquants d'êtres humains.
L'organisation de défense des droits de l'homme "Human rights watch" estime néanmoins que le refoulement de migrants vers un pays où ils risquent d'être maltraités, comme c'est le cas en Libye, constitue une violation des droits humains.
L'Italie, non exempte de réactions d'exaspération de sa population face à l'arrivée continue de migrants, a adopté depuis quelques mois un discours nettement plus ferme, en particulier en direction de ses partenaires européens peu enclins à partager le fardeau de l'accueil.
Elle s'efforce également, avec l'appui financier de l'UE, de renforcer sa coopération avec les autorités libyennes, et a négocié par exemple un accord avec les tribus dans le sud du pays pour s'efforcer de limiter les entrées de migrants venant des pays voisins comme le Tchad ou le Niger.
Dans le collimateur
Et depuis plusieurs semaines, les ONG actives en Méditerranée centrale sont dans le collimateur des autorités italiennes.
Depuis 2015, jusqu'à une douzaine de navires humanitaires privés patrouillent au large de la Libye. Ils ont réalisé 26% des opérations de secours en 2016 et 35% cette année, au côté de navires italiens, européens et commerciaux, selon les gardes-côtes italiens.
Profitant de leur présence au plus près des eaux libyennes, les passeurs africains ont modifié leurs méthodes depuis l'année dernière en envoyant des embarcations toujours plus fragiles et surchargées, souvent sans eau, carburant ou téléphone satellitaire pour les appels de détresse.
Ces derniers mois, les ONG ont déjà été accusées d'être en contact direct avec des trafiquants d'êtres humains en Libye pour récupérer "comme des taxis" les migrants à la dérive, coupant au passage leurs outils de géolocalisation. Un autre enquête est en cours auprès du parquet de Catane (Sicile).
C'est précisément ce type de soupçons qui a conduit l'Italie à finaliser lundi un "code de conduite". Accepté seulement par trois ONG sur un total de neuf opérant dans cette zone méditerranéenne, il pourrait conduire à une moindre présence des navires d'ONG au plus près des eaux libyennes.
L'ONG allemande Jugend Rettet, dont le bateau a été "saisi" à Lampedusa, n'a pas souhaité signer ce code en treize points, qui interdit aux navires d'entrer dans les eaux libyennes et de communiquer avec les passeurs, y compris via toute forme de signaux lumineux.
Deux règles sont particulièrement contestées par les non signataires: l'acceptation à bord de fonctionnaires de la police judiciaire enquêtant sur le trafic d'êtres humains "pour une période strictement nécessaire" et l'interdiction de transférer les personnes secourues à bord d'autres navires "sauf en cas de situation grave et de danger imminent" et avec l'accord du commandement des gardes-côtes italiens.
Une ONG portant secours à des migrants doit donc en principe à l'avenir les amener jusqu'à un port, impliquant des trajets plus longs, des coûts de sauvetage accrus et une moindre présence près de la Libye.
Huit nouveaux corps ont été retrouvés mardi sur des embarcations de migrants en provenance de Libye. Selon les derniers chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 111.000 migrants sont arrivés en Europe par la mer depuis le premier janvier, dont près de 95.000 en Italie. Plus de 2.385 sont morts en tentant la traversée.
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