"Nous sommes décidés à stopper ce phénomène qui nous inquiète réellement", affirme à l'AFP la ministre adjointe de l'Intérieur, Rovena Voda, particulièrement préoccupée par la question des mineurs isolés.
L'Albanie est une nation d'émigration massive avec une diaspora communément évaluée à 1,2 million de personnes. Le salaire moyen y est de 340 euros et le chômage touche un tiers des jeunes.
Selon une récente étude Gallup, 56% des Albanais veulent émigrer si une possibilité se présente.
D'après Eurostat, en 2016, 28.925 Albanais ont demandé asile dans différents pays de l'UE, un chiffre particulièrement important pour une population de 2,9 millions d'habitants.
Cela place l'Albanie, candidate à l'adhésion à l'Union européenne, en haut de classement avec des pays comme la Syrie, l'Afganistan, le Pakistan, l'Iran ou encore l'Erythrée.
Avec deux destinations de prédilection: l'Allemagne et surtout la France, selon Aida Hajnaj, directrice de la police aux frontières et de la migration. Les trois quarts des demandes d'asile albanaises se font désormais dans ce pays, a récemment dit le ministre français de l'Intérieur, Gérard Collomb, évoquant un "problème fondamental".
Avec 7.432 dossiers enregistrés par les autorités françaises en 2016 (pour 2.040 expulsions), le phénomène a doublé sur un an et une grande partie des capacités d'hébergement est occupée par des Albanais aux dépens des ressortissants des pays en guerre. Et il semble même s'être accéléré puisque sur la première moitié de l'année environ, "4.208 ressortissants albanais ont encore demandé asile en France", reconnaît Aida Hajnaj.
'Plan d'action'
Une incongruité apparente puisque les Albanais viennent d'un pays considéré comme sûr par les autorités françaises. Mais tant que leur demande n'a pas été rejetée, ils sont pris en charge. Or, selon des sources policières albanaises, la France a un atout de taille aux yeux de ces candidats au départ: la lenteur de ses procédures. Le délai avant un rejet peut atteindre un an, parfois exploité pour tenter de passer en Angleterre.
La menace brandie par Paris et Berlin de rétablir les visas pour les Albanais, n'est sans doute pas pour rien dans la réaction albanaise. Le ministre de l'Intérieur Ditmir Bushati a rencontré fin juillet Gérard Collomb.
Selon Rovena Voda, Tirana a présenté à la France "un plan d'action visant à obtenir d'ici trois mois des résultats concrets en matière de lutte contre l'immigration irrégulière".
Sont prévus un renforcement des contrôles au départ, afin notamment de lutter plus efficacement contre l'émigration des mineurs isolés. Autre axe, un renforcement de la répression des réseaux criminels d'immigration.
Les policiers albanais "sont en train d'enquêter sur des agences, des cabinets d'avocat, des associations ou des maires qui fournissent de faux papiers aux candidats à l'exil", assure Rovena Voda.
Rêves d'ailleurs
Des sources policières expliquent que pour tenter de démontrer que leur vie est en danger, des candidats à l'exil n'hésitent pas à placer des explosifs sous leurs voitures ou devant leurs appartements. Une manière d'accréditer l'histoire qu'ils serviront: ils sont des victimes potentielles de la "Gjakmarrja", la vendetta albanaise, un phénomène en forte diminution.
Des conflits d'ordre foncier, des discriminations liées à l'orientation sexuelle, ou des violences intrafamiliales sont aussi parfois avancés.
Souvent, ce sont les parents eux-mêmes qui organisent l'exil de leurs enfants. En 2016, plus de 500 mineurs isolés ont été enregistrés en France, notamment dans l'est.
Mais ces parents "qui pensaient envoyer leurs enfants vers un avenir meilleur (...) ne se rendent pas compte qu'un certain nombre tombe dans les filets de trafiquants d'êtres humains qui les forcent à la prostitution et à la mendicité", dit à l'AFP Alain Bouchon qui dirige une association à Bourg-en-Bresse, dans l'est de la France.
Pour contrer ce phénomène, outre une attention accrue portée aux départs, les autorités albanaises ont désormais "engagé la responsabilité pénale" des parents. En mai, une mère de 44 ans, Miranda Loçka, a été condamnée à quatre mois de prison (transformés en 18 mois de mise à l'épreuve) pour avoir envoyé ses quatre enfants en Allemagne.
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