Lors de sa première à Prague, en 1882, le succès de "Dimitrij" avait consacré Dvorak. Mais le compositeur l'avait ensuite drastiquement modifié et, plus d'un siècle plus tard, cet opéra n'est presque jamais joué en dehors de sa République tchèque natale.
L'opéra devait être joué pour la première fois aux Etats-Unis à partir de vendredi, au Bard College, au nord de New York, dont le président Leon Botstein est un éminent chef d'orchestre qui défend les oeuvres méconnues.
"Dimitrij" se déroule au début du 17e siècle, une période troublée de guerres et de famines, alors que la Russie traverse un vide du pouvoir, avant l'arrivée des Romanov, qui deviendront la dernière dynastie monarchique du pays.
Dans la scène d'ouverture, le personnage principal marche sur Moscou avec son armée polonaise et déclenche une bataille pour le contrôle de la Russie.
Avec ses intrigues russes et son questionnement sur la légitimité du pouvoir, "Dimitrij" offre un parallèle évident avec les Etats-Unis de 2017, où la présidence de Donald Trump est secouée par les accusations de liens avec la Russie et les questions sur la crédibilité politique du milliardaire.
En réalité, l'opéra en dit sans doute davantage sur la Russie elle-même. La mise en scène du Bard College a partiellement situé "Dimitrij" à la fin des années 1980 et au début des années 1990, une autre période de troubles, entre la chute de l'Union soviétique et l'ascension de Vladimir Poutine.
Chef-d'oeuvres oubliés
Leon Botstein a été séduit par les thèmes de "Dimitrij" mais aussi été intrigué par la musique, faite d'harmonies finement développées, caractéristiques de Dvorak, avec une forte influence de l'opéra italien.
"Le tout forme un travail étonnant, captivant. On pourrait même dire pertinent. Pourquoi donc cette (oeuvre) est-elle restée dans l'obscurité?", s'interroge Leon Botstein, dans un entretien à l'AFP.
Le musicologue de 70 ans --qui dirige le Bard College depuis 1975 et a fait de l'établissement sur les rives de la rivière Hudson un carrefour intellectuel-- se consacre à ressusciter les opéras oubliés.
"Dimitrij" fait partie de la saison "SummerScape" qui mettra l'accent cette année sur Frédéric Chopin.
M. Botstein, qui a également dirigé l'American Symphony Orchestra de New York, est volontiers critique des salles d'opéras, en particulier aux Etats-Unis, qu'il considère trop attachées à des oeuvres déjà très connues et trop soucieuses d'avoir des chanteurs de renom.
"C'est une chasse à ce qu'elles pensent être la nouvelle star, le Enrico Caruso de notre époque", regrette-t-il, en référence au célèbre ténor italien du début du siècle dernier.
"Ce qui est bien sûr ridicule parce que l'opéra n'occupe plus la même place dans la culture que celle qui avait catapulté Enrico Caruso aux sommets de la renommée mondiale", dit-il, faisant une exception notable pour Placido Domingo.
Seul un opéra d'Antonin Dvorak est encore régulièrement joué: "Rusalka", un conte de fées avec son célèbre "Chant à la Lune".
Tout en soutenant les nouvelles créations, Leon Botstein est frappé par le nombre de pièces moins connues, par des compositeurs anciens, qui tombent dans l'oubli.
La musique, dit-il, est devenue "une sorte de sport olympique passif" où "les seules personnes dont nous nous souvenons sont les médaillés d'or et les médaillés d'or se souviennent seulement d'une victoire".
"C'est ridicule et extrêmement triste", ajoute M. Botstein. "C'est une tragédie culturelle."
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