M. Sharif "est disqualifié en tant que député au Parlement et a donc cessé d'occuper le poste de Premier ministre", a déclaré le juge Ejaz Afzal Khan devant une foule compacte réunie au siège de la Cour pour entendre ce jugement très attendu.
"Nous déclarons que Nawaz Sharif n'est pas un membre honnête du Parlement selon l'article 62-1f de la Constitution", a renchéri son homologue Asif Saeed Khosa.
Cette décision fait suite à la découverte par une commission d'enquête d'une "importante disparité" entre les revenus de la famille Sharif et son train de vie, apparue au grand jour l'an dernier dans le cadre du scandale des Panama Papers.
Les Sharif sont soupçonnés d'avoir dissimulé la vérité sur des sociétés et des biens immobiliers détenus via des holdings off-shore, notamment de luxueux appartements londoniens. Leurs partisans assurent que les fonds sont légaux.
Trois des quatre enfants du chef du gouvernement sont mis en cause dont sa fille Maryam Nawaz, jusqu'ici pressentie pour être son héritière politique.
L'arrêt, rendu en fin de matinée à Islamabad, la capitale placée sous haute sécurité, a immédiatement provoqué des scènes de liesse des partisans de l'opposition descendus dans la rue dans plusieurs villes.
L'ancienne star du cricket Imran Khan, le chef de l'opposition et en pointe dans l'offensive contre M. Sharif, s'est félicité de la décision de la Cour suprême, estimant que "la démocratie au Pakistan sort renforcée" de ces événements et annonçant un grand rassemblement dimanche, au cours duquel il dévoilera son "futur plan d'action".
"Aujourd'hui n'est qu'un début. Les autres puissants corrompus devront aussi rendre des comptes", a-t-il ajouté. "Je veux dire à la nation que c'est une immense victoire pour elle".
Le parti du Premier ministre, le PML-N, a confirmé peu après que M. Sharif avait quitté son poste en dépit de ses "fortes réserves" à l'encontre de l'arrêt. Son départ entraîne automatiquement celui de son gouvernement.
"Pas un centime de corruption n'a été prouvé dans cette décision contre Nawaz Sharif", a déploré Maryam Aurangzeb, qui y officiait en tant que ministre de l'Information.
Succession incertaine
L'incertitude plane désormais sur l'identité du successeur de M. Sharif. Le PML-N n'a aucun dauphin attitré pour le moment et les prochaines élections législatives ne sont théoriquement prévues que pour 2018.
Hasan Askari, analyste spécialiste des questions de sécurité, déclare toutefois ne pas s'attendre à "des bouleversements internes". "Après ce jugement, le parti au pouvoir va élire un nouveau chef qui deviendra Premier ministre, puis nous verrons comment les choses se passent".
L'analyste politique Farooq Moin est du même avis : "Je pense qu'il y a de grandes chances pour que le parti PML-N forme un nouveau gouvernement avec un nouveau Premier ministre, avec le soutien de ses partenaires de coalition, puisqu'ils ont toujours la majorité au Parlement".
C'est la deuxième fois dans l'histoire du Pakistan qu'un Premier ministre en poste est démis par une intervention de la Cour suprême, la première remontant à 2012.
M. Sharif, surnommé le "lion du Pendjab", n'aura ainsi mené à terme aucun de ses trois mandats en tant que chef du gouvernement. Il avait déjà été contraint à la démission en raison d'accusations de corruption en 1993. Son deuxième mandat, entamé en 1997, avait lui aussi tourné court en 1999 à la suite d'un coup d'Etat militaire et M. Sharif avait été contraint à plusieurs années d'exil en Arabie saoudite.
A Peshawar (ouest), des centaines de partisans d'Imran Khan et d'autres partis d'opposition sont descendus en jubilant dans la rue, dansant, jouant du tambour et distribuant des douceurs pour célébrer le jugement, a constaté l'AFP.
A l'inverse, à Lahore, fief de la famille Sharif, des manifestants ont protesté contre l'arrêt de la Cour suprême, bloquant des rues, brûlant des pneus et embrassant des portraits de leur idole. "Nous n'acceptons pas ce jugement. (Sharif) est honnête et fiable", a réagi une députée du Parlement régional du Pendjab, dénonçant une "conspiration".
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