"Je vais où? Dans la rue? Je ne pars pas", répète Abu Omar, un Syrien de 38 ans planté devant la maison qu'il occupe avec sa femme et ses trois enfants depuis un an et demi.
Au premier coup d'oeil, cette rue bordée de pavillons d'Athis-Mons (Essonne), à quelques km de l'un des principaux aéroports parisiens, ressemble à n'importe quelle rue d'un paisible quartier résidentiel. Devant les maisons, des enfants jouent sur l'herbe, font du vélo dans la rue.
Sauf qu'ici, une grande partie des 70 enfants sont Syriens, et vivent avec leurs familles dans des logements autrefois destinés aux employés de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) travaillant à Orly.
Après un jugement fin 2015, une première expulsion d'une dizaine de logements était prévue pour fin juillet. Elle a été repoussée jusqu'à une décision de justice, le 5 septembre, après plusieurs manifestations organisées par l'association Droit au logement (DAL).
"Avant on dormait dans la rue, dans les squares. Quelqu'un nous a parlé de cette maison, on nous a pas demandé d'argent, et on nous a ouvert la porte", raconte Abu Omar.
Comme lui, la plupart des Syriens présents ici sont arrivés par le bouche-à-oreille, explique Marie-Renée Courty, présidente de l'association Ajar, qui aide ces migrants.
"Il y a plusieurs types de situations: certains ont le statut de réfugié, d'autres ont demandé l'asile, certains ne l'ont pas encore demandé", explique-t-elle. La demande d'Abu Omar, arrivé en France en 2015 mais qui avait déjà demandé l'asile en Espagne, a été refusée.
Les pavillons sont pour la plupart inoccupés depuis des années. Des sans-abris s'y sont peu à peu installés, souvent en famille: beaucoup de Syriens ces deux dernières années, mais aussi des Français, des Algériens, des Roumains.
"C'est parfait pour de l'hébergement familial", soutient Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL. Ces familles "ont fait que ce lieu qui était déserté, qui devenait un lieu de délinquance, de drogue, de prostitution redevienne un quartier d'habitation".
Le DAL demande que l'Etat mette ces logements "à disposition", une solution "humaine et relativement peu coûteuse" par rapport à l'hôtel ou les foyers, selon M. Eyraud.
Scolarisation suspendue
La DGAC, qui n'a pas souhaité s'exprimer, a demandé l'expulsion des occupants. Elle pourrait avoir lieu à l'automne car malgré le délai obtenu, "il y a une volonté d'expulser", affirme la préfète de l'Essonne, Josiane Chevalier. La préfecture n'a pas souhaité s'exprimer d'avantage.
Voisins d'Abu Omar, Mohammad et sa famille sont arrivés en France via l'Algérie il y a deux ans. Sa demande d'asile est en cours depuis fin 2015, dit-il, mais il a, semble-t-il, manqué des rendez-vous pour finaliser la procédure.
Quant à la scolarisation des enfants, elle est suspendue.
Depuis qu'ils se sont installés à Athis-Mons il y a quelques mois, faute de pouvoir payer le loyer de l'appartement qu'il louait auparavant à Bobigny, à une trentaine de km de là, cet artisan de la mosaïque originaire de Damas dit s'être rendu à la mairie "plus d'une fois" pour demander la scolarisation de ses enfants.
Sa fille, Shahad, 11 ans, était "première de la classe à l'école de Bobigny", souligne-t-il. "En CM1 A", précise la fillette, qui veut montrer qu'elle "parle français".
La mairie refuse de scolariser des enfants qui "ne bénéficient pas actuellement d'un logement pérenne", explique la maire (LR) d'Athis-Mons Christine Rodier, affirmant que les enfants sont sur liste d'attente jusqu'à ce que des logements décents leur soit attribués, ce qu'elle a demandé.
Les maisons occupées sont en effet vétustes, et meublées sommairement: dans celle de Mohammad, quelques tapis et matelas, une télévision, une cuisinière et un réfrigérateur occupent l'espace.
Dans le jardin, Mohammad montre la piscine installée pour les enfants et une grande tente pour accueillir leurs voisins pour le café du soir: "On est bien ici."
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