Comme elle, dans les rues de la capitale de la Tchétchénie, elles sont nombreuses à porter le voile ou le hijab, ainsi que de longues robes recouvrant jambes et bras.
"Nous n'obligeons pas les femmes à se voiler. Mais nous leur rappelons que c'est la tradition tchétchène et ce que dit notre foi", explique à l'AFP le maire de Grozny, Mouslim Khoutchiïev.
Historiquement, la Tchétchénie, république du Caucase russe, est très majoritairement musulmane. Mais sous l'impulsion de l'autoritaire dirigeant Ramzan Kadyrov, au pouvoir depuis 2007, sa capitale s'est islamisée à marche forcée. Des dizaines de mosquées ont été construites sur les ruines de cette ville dévastée par deux guerres contre le gouvernement central de Moscou.
"Grozny est sortie des ruines pour devenir une ville moderne musulmane, une vitrine de l'islam", affirme M. Khoutchiïev.
Grozny est revenue à la Une ces derniers mois après une enquête de l'hebdomadaire russe d'opposition Novaïa Gazeta affirmant que les autorités tchétchènes persécutaient les homosexuels.
Le dirigeant tchétchène, qui a déclaré un jour dans une interview : "Pour moi, le plus important, c'est la loi islamique", s'est prononcé en faveur de la polygamie, malgré son interdiction par la loi russe.
Alcool difficile à trouver, voile obligatoire pour les femmes au travail et à l'université, cours de morale religieuse... La plupart des préceptes conservateurs de l'islam sont activement mis en avant par les autorités locales.
- 'Le bon islam' -
Avec son mari, Malika, 29 ans, se rend chaque jour à la mosquée. "Depuis deux-trois ans, les gens sont devenus de plus en plus religieux", remarque celle qui fait suivre à sa fille des cours de morale musulmane.
"Bien sûr, les autorités nous encouragent! Une femme pieuse, c'est une bonne mère, un mari pieux, c'est un homme pacifique", raconte Malika, tandis que retentit sur son téléphone l'appel pour l'une des cinq prières quotidiennes, également diffusé par des hauts-parleur dans tout Grozny.
Principal "joyau" de cette "vitrine de l'islam", la mosquée Akhmad Kadyrov, nommée en l'honneur du père de l'actuel président tchétchène, mort dans un attentat en 2004, se dresse dans le centre.
Inaugurée en 2008 sur les ruines de l'ancien Parlement tchétchène détruit par les bombes russes, "la plus grande mosquée d'Europe (...) est déjà trop petite", affirme M. Khoutchiïev.
Qui l'a financée? "L'argent vient d'Allah", élude le maire, reprenant les mots de Ramzan Kadyrov. Mais surtout, de la Russie, qui a subventionné sans compter la reconstruction de Grozny.
Ramzan Kadyrov s'est aussi attelé dès son arrivée au pouvoir à liquider la rébellion islamiste de "l'Emirat du Caucase", née sur les ruines des formations indépendantistes tchétchènes qui ont combattu Moscou à la fin des années 1990 puis au début des années 2000.
"Il fallait absolument construire de nouvelles mosquées pour que les gens reviennent au bon islam", assure le maire.
Comprendre: qu'ils ne se laissent séduire ni par l'Emirat du Caucase, ni par l'organisation Etat islamique (EI), à qui l'Emirat a prêté allégeance et dont de nombreux Tchétchènes ont rejoint les rangs en Syrie et en Irak, selon les services de sécurité russes.
- Ambitions internationales -
Depuis quelques années, Ramzan Kadyrov multiplie aussi les déclarations à destination du monde musulman. Alors que l'esplanade des Mosquées à Jérusalem est le théâtre de violences meurtrières, il déclare son soutien aux Palestiniens sur son très suivi compte Instagram, affirmant qu'"Allah mettra au bon moment une épée dans les mains d'un guerrier de l'islam pour libérer (la mosquée) al-Aqsa".
Pour l'expert politique Nikolaï Petrov à Moscou, "on voit depuis longtemps que Kadyrov désire jouer un rôle particulier dans le monde musulman et cela, dès les manifestations contre Charlie Hebdo", lorsque plus d'un million de Tchétchènes avaient défilé le 19 janvier 2015 contre les caricatures de Mahomet publiées par l'hebdomadaire satirique français, cible d'une attaque jihadiste meurtrière quelques jours auparavant.
"Ces déclarations sur Israël et la Palestine, le scandale sur les homosexuels (persécutés) en Tchétchénie, tout cela ne fait que renforcer sa position, son statut de chef de file", ajoute-t-il.
Et, au même titre que son dirigeant, Grozny ambitionne d'avoir une réputation internationale auprès des musulmans. "Les gens viennent de très loin pour prier et étudier ici", assure le maire de la ville.
Au risque d'exclure ceux qui ne sont pas musulmans, comme Elena, qui vit à Grozny depuis sa naissance. Russe orthodoxe, elle se "sent comme une citoyenne de seconde zone."
"Grozny est une ville musulmane et pour les musulmans", résume-t-elle.
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