L'ex-garde des Sceaux François Bayrou (MoDem), qui a préparé ces projets de loi de moralisation, voulait changer "de manière déterminante les situations qui font naître des soupçons" et mettre les décisions publiques "à l'abri des conflits d'intérêts".
L'exécutif n'est pas parti d'une feuille blanche: le cumul de certaines fonctions avec le mandat parlementaire était déjà prohibé (fonctionnaires, direction d'un établissement financier, immobilier...) et les déclarations d'intérêts et d'activités étaient, depuis 2014, publiques.
Environ 10% des députés et sénateurs étaient cette année-là rémunérés dans le privé, pour plus de 100.000 euros annuels pour une vingtaine d'entre eux. Cette proportion a augmenté avec l'arrivée massive en juin de députés REM issus de la société civile, dont une quarantaine de chefs d'entreprise et une centaine exerçant une profession libérale (avocat, médecin...).
Ces nouveaux élus ne s'en cachent pas: ils font valoir leur "expérience" passée et leur "pragmatisme" dans l'hémicycle, et défendent l'idée qu'ils portent un souffle nouveau. La plupart pensent poursuivre leur activité professionnelle au moins une journée par semaine, tel l'entrepreneur Sylvain Maillard qui ne veut pas "devenir un politicien professionnel".
Droite et Constructifs les rejoignent en appelant à la mesure sur ce sujet "complexe" des conflits d'intérêts. Pour une Assemblée "reflet de la France", "il est bien d'avoir des médecins qui parlent de santé, des agriculteurs qui parlent d'agriculture", selon Christian Jacob (LR).
'Ne pas pousser le curseur trop loin'
Le Constructif Franck Riester, patron d'une concession automobile, demande aussi de "ne pas pousser le curseur trop loin pour faire beaucoup de démagogie".
Quelles sont les nouvelles obligations des projets de loi "pour la confiance dans la vie publique"? Après notamment le cas de François Fillon qui avait créé une société de conseil une dizaine de jours avant le début de son mandat de député en 2012, Emmanuel Macron a voulu interdire aux parlementaires "d'exercer des activités de conseil" pour qu'ils ne soient pas "au service de quelques-uns".
Pour tenir compte des censures par le Conseil constitutionnel des interdictions générales, les textes prévoient que les parlementaires ne pourront pas acquérir une société de conseil, ni commencer une fonction de conseil en cours de mandat, mais pourront poursuivre une telle activité si elle a débuté plus d'un an avant leur entrée en fonction. Il sera aussi interdit de conseiller des sociétés impliquées dans des marchés publics.
L'Assemblée comme le Sénat devront aussi créer un "registre public" des déports, c'est-à-dire des cas où un parlementaire s'estimant en situation de conflit d'intérêts s'est mis en retrait des débats ou votes.
A ces dispositions, le Sénat a ajouté l'obligation pour les candidats à l'Élysée de fournir une déclaration d'intérêts et d'activités. Et en commission, les députés ont prohibé pour les parlementaires la fonction de représentant d'intérêts (lobbyiste) pour le compte de certaines sociétés.
Si gouvernement et députés REM sont plutôt dans l'idée de s'en tenir aux limites actuelles, les propositions foisonnent dans d'autres groupes.
La socialiste Delphine Batho veut a minima l'interdiction absolue de l'activité de conseil pour éviter la "corruption", les Insoumis l'arrêt de toute activité professionnelle pour les parlementaires. Certains suggèrent, à défaut, un plafonnement des revenus annexes, comme aux États-Unis.
A gauche comme à droite, des députés souhaitent également ne pas restreindre les mesures anti-conflits d'intérêts aux parlementaires, mais en élargir certaines au gouvernement, voire à la haute administration.
Ainsi la question du "pantouflage" (passage du public au privé) devrait revenir sur la table, même si Alain Marleix (LR) a senti "une volonté de protection au plus haut niveau" avec un président et un Premier ministre qui, "à titre personnel, ont pratiqué le pantouflage".
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