Pointant à l'antenne de RTL, un "budget d'APL de 19 milliards d'euros" et "un budget global d'aides au logement de 30 milliards d'euros", un "record en Europe", le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard a fustigé un "système pervers" où "1 euro de plus sur l'APL" équivaut à "78 centimes de hausse des loyers".
Une "réforme globale", dans le cadre de la loi logement cet automne est "tout à fait indispensable", a-t-il jugé, "parce que c'est comme un camion fou, un bateau ivre, nous sommes avec des montants qu'il faut arriver à maîtriser".
Pour Frédéric Paul, directeur général de l'USH (Union sociale de l'habitat, 640 bailleurs sociaux) c'est là "un discours extrêmement dramatisant et stigmatisant pour les personnes les plus modestes".
"On mélange des choux et des carottes", s'insurge-t-il auprès de l'AFP. "Dans le monde HLM où les loyers sont réglementés, ces aides profitent intégralement à leurs 3 millions de bénéficiaires".
Mais "55% des 19 milliards d'euros d'aides au logement sont versées par l'Etat aux locataires du parc privé, des sommes captées par les propriétaires bailleurs". "C'est dans le privé que la politique du logement alimente la hausse des prix, via des aides fiscales telles que le (dispositif) Pinel, captées par les promoteurs qui en profitent pour augmenter leurs prix de vente", assure-t-il.
Avec un coût pour l'Etat, étalé sur 6 à 12 ans, d'un milliard d'euros pour les 40.000 aides concédées en 2017 aux investisseurs locatifs, rappelle M. Paul.
'Problème à l'envers'
Selon François Pupponi, député-maire (NG) de Sarcelles et ex-président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), "l'équation c'est de dire aux bailleurs et aux constructeurs, combien vous faut-il d'aides à la pierre pour avoir un prix de sortie du loyer acceptable pour les Français ?"
"Or personne n'accepte de faire le calcul", a-t-il dit sur BFM Business.
De son côté, Michel Fréchet, président de la CGL (Confédération générale du logement), estime que "s'il y a une dérive des APL, c'est parce qu'il y a une dérive des loyers, et que rien n'a été fait au cours des 10-15 dernières années".
Ainsi "agir sur le niveau des APL pour faire baisser les loyers revient à prendre le problème à l'envers", car c'est en encadrant les loyers, comme à Paris, "que l'on pourra les réduire".
"Le ministre, en décrivant sa stratégie, est à côté de la plaque", dit-il.
Pour Jean-Claude Driant, professeur à l'école d'urbanisme de Paris et spécialiste des politiques du logement, l'effet inflationniste des aides au logement dans le parc privé est indéniable, mais ancien.
"Il a particulièrement touché les petits logements lorsqu'en 1991 on a généralisé ces aides, auparavant réservées aux chômeurs, handicapés, jeunes actifs: les bailleurs en ont profité pour augmenter leurs loyers", dit-il à l'AFP.
Pour lui, "baisser ces aides, c'est taper sur les pauvres et les jeunes". "Aujourd'hui les 20% de Français les plus pauvres, soit 5,6 millions de ménages ont déjà, lorsqu'ils sont locataires du parc privé, un taux d'effort extrêmement élevé, de 41% avec l'aide au logement. Après avoir payé leur loyer, il leur reste 500 euros, soit la moitié du revenu qui définit le seuil de pauvreté".
Amputer ces aides pourrait aussi rendre les bailleurs "encore plus sélectifs sur la solvabilité des locataires et faire fuir les investisseurs locatifs".
Les économies à faire se trouveraient plutôt du côté des étudiants de familles aisées, aujourd'hui aidés quel que soit le revenu de leurs parents. "Mais cela fait très peur au gouvernement, car les syndicats étudiants sont très puissants", dit M. Driant.
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