Les deux principaux protagonistes de la crise libyenne se sont déjà rencontrés début mai à Abou Dhabi, sans grand résultat. La présidence française a reconnu que la réunion ne règlerait pas le conflit, mais espère, au minimum, leur faire signer une déclaration conjointe pour définir les principes de sortie de crise.
Fayez al-Sarraj, chef du fragile gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale, et le maréchal Khalifa Haftar, qui conteste sa légitimité et accumule les gains militaires sur le terrain, sont attendus dans l'après-midi au château de La Celle-Saint-Cloud, une propriété du ministère français des Affaires étrangères en région parisienne.
Ils seront reçus tour à tour par Emmanuel Macron, avant une réunion tripartite en présence du nouvel émissaire de l'ONU pour la Libye, Ghassan Salame, qui prend ses fonctions cette semaine.
L'initiative est périlleuse, compte tenu de la complexité de la situation libyenne, pays riche en pétrole qui a sombré dans le chaos depuis la chute du colonel Kadhafi fin 2011: plusieurs autorités rivales et des myriades de milices se disputent le pouvoir, la menace jihadiste reste présente, et les trafics d'armes et d'êtres humains prospèrent. Sans oublier l'implication de puissances régionales rivales dans le conflit.
"Un panorama incroyablement éclaté sur le plan politique et militaire", résume un diplomate français.
Mais, estime l'Elysée, cette rencontre entre les deux protagonistes est en elle-même un "signal fort". Selon des sources diplomatiques, la déclaration répèterait qu'il n'y a pas de solution militaire possible pour la Libye, reconnaîtrait la légitimité politique de Fayez al-Sarraj et militaire de Khalifa Haftar, et pourrait mentionner de futures élections. M. Sarraj a récemment proposé des élections présidentielle et parlementaires en mars 2018.
Haftar incontrôlable ?
Le nouveau président français a fait du dossier libyen une de ses priorités, et avalisé la ligne "pragmatique" de son chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian, ancien ministre de la Défense, qui "prend en compte la réalité du terrain", et considère le maréchal Haftar comme le principal rempart à la menace jihadiste. La mort de trois militaires français il y a un an avait d'ailleurs révélé l'engagement de Paris aux côtés d'Haftar.
"L'équilibre des forces sur le terrain a basculé en faveur d'Haftar: il a sécurisé plusieurs bases dans le sud du pays, a conquis la base stratégique d'Al Joufra dans le centre et pourrait se diriger vers Syrte (ouest) dans les prochaines semaines", résume Mattia Toaldo, spécialiste de la Libye à l'ECFR (European Council on foreign relations).
Fort de ses connections avec plusieurs protagonistes de la crise, en particulier l'Egypte et les Emirats arabes Unis, soutiens du maréchal Haftar, M. Le Drian a effectué dès son arrivée au Quai d'Orsay une tournée régionale pour relancer les efforts sur la Libye.
Mais, selon M. Toaldo, le succès "est loin d'être garanti". M. Sarraj, soutenu par la communauté internationale, n'a pas réussi à asseoir son autorité plus d'un an après l'installation du GNA à Tripoli. Quant au maréchal Haftar, nombre d'observateurs indépendants s'interrogent sur ses ambitions et sa volonté de se soumettre à une autorité civile.
"Je ne pense pas qu'il soit contrôlable. Il veut gouverner la Libye et combattra tous ceux qui sont contre lui", estime une source humanitaire. "Il faut espérer que lorsqu'il signera quelque chose il respectera sa signature", reconnaît une source diplomatique, également sceptique.
L'initiative française fait aussi grincer les dents du côté de l'Italie, ancienne puissance coloniale en Libye et aujourd'hui en première ligne face aux migrants qui débarquent chaque jour par centaines depuis les côtes libyennes.
"Dans cette affaire, nous ne pouvons rien faire l'un sans l'autre", a tenté de rassurer M. Le Drian, qui se trouvait justement à Rome lundi.
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