Dans sa chambre de bonne de 9m2 à Paris, louée 470 euros par mois, en grande partie grâce aux 420 euros mensuels d'Aide personnalisée au logement (APL), la jeune femme de 39 ans dit que "pour d'autres bien sûr, cinq euros c'est rien".
"Mais pour moi, ça compte. Et ça compte chaque mois", avoue celle qui connaît des fins de mois difficiles et jongle entre la garde de ses deux enfants et ses multiples petits boulots de femme de ménage et femme de chambre dans les beaux quartiers de la capitale.
En annonçant samedi une baisse de cinq euros d'APL pour les 6,5 millions de ménages français qui en bénéficient et perçoivent en moyenne 225 euros d'aide chaque mois, le gouvernement a créé "une injustice envers les pauvres", déplore Tenin, qui ne donne que son prénom.
"Cinq euros, nous, c'est ce qu'on a par jour pour vivre", calcule de son côté Khaira, qui élève seule un garçon de huit ans et une fillette de trois ans. Locataire d'un appartement à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), la jeune femme de 28 ans, au RSA (Revenu de solidarité active), perçoit 486 euros mensuels d'APL pour un loyer de 650 euros.
"Quand à la fin du mois il reste cinq euros sur mon compte, j'achète des pâtes et de la crème fraîche, et je sais qu'avec ça, mes enfants pourront manger", dit-elle. Alors, pour celle qui avoue que "c'est déjà très dur", vivre avec cinq euros de moins, ça voudra dire "calculer encore plus chaque dépense".
'Appauvrir les pauvres'
"On va chercher l'argent chez ceux qui en ont le moins pour réaliser des économies budgétaires", dénonce Samuel Mouchard, de la Fondation Abbé Pierre, qui a demandé à être reçu par le gouvernement dans la foulée de l'annonce qui a provoqué la colère d'associations, d'organisations de jeunesse et de certains syndicats.
Selon le gouvernement, une baisse de cinq euros par mois et par ménage des aides au logements versées par la Caisse d'allocation familiale (CAF) représenterait une économie mensuelle de 32,5 millions d'euros, soit 97,5 millions sur les trois derniers mois de l'année en cours.
Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a justifié ce rabotage en invoquant une "urgence" pour boucler le budget de l'Etat. Plaidant aussi que le système des APL fait monter le prix des loyers, il a évoqué une remise à plat à l'automne du dispositif d'aide pour plus d'efficacité.
"Le gouvernement fait des économies de bout de chandelle et fait peser cette mesure-surprise, prise sans concertation, sur des familles qui vivent avec pas grand-chose et sont, elles, à cinq euros près", s'indigne Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l'association Droit au logement (DAL). L'association appelle à manifester à la rentrée "contre une mesure qui va appauvrir les plus pauvres".
Un autre risque de cette mesure, selon la Fédération des acteurs de la solidarité (Fnars) qui regroupe 870 associations, est l'augmentation mécanique pour les plus pauvres des expulsions locatives, qui ont repris depuis la fin de la trêve hivernale le 1er avril et connaissent généralement un pic en juillet.
"C'est +deux poids deux mesures+: on demande 400 millions d'économie (par an, ndlr) aux plus pauvres, alors qu'on prévoit pour les plus riches une baisse de l'ISF (l'impôt sur la fortune) qui coûtera trois milliards", s'insurge le directeur de cette fédération, Florent Gueguen.
"Le meilleur moyen de faire baisser le budget de l'Etat consacré aux aides au logement reste de lutter contre les loyers trop chers par le biais de l'encadrement des loyers", estime Samuel Mouchard.
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