Une manifestation est convoquée lundi (premier anniversaire selon le calendrier religieux) par les responsables du mouvement "Enlighment" (L'Eveil, les Lumières), né d'une protestation contre le tracé d'une ligne à haute tension qui contourne la province de Bamyian, fief hazara au centre du pays.
Pour les dirigeants hazaras, ce tracé est un nouveau signe de discrimination à l'égard de leur communauté et de leur province, l'une des moins développées d'Afghanistan.
Mais sur les réseaux sociaux, le débat fait rage sur l'opportunité d'exposer de nouveau la communauté au risque d'un nouvel attentat. Car les jeunes gens qui reposent sous le sable de cette sommité pierreuse, à l'ouest de Kaboul à l'écart des faubourgs, ont tous été fauchés par deux kamikazes alors qu'ils achevaient de défiler dans la bonne humeur pour réclamer symboliquement la lumière.
Le bilan officiel a été établi à 84 morts et 320 blessés.
Vers 17H00, quand la chaleur retombe, c'est l'heure des femmes. Elles arrivent à trois enroulées dans leurs châles de couleurs, escortées de sept enfants dont le plus jeune, qui trébuche entre les tombes, a moins de 15 mois.
Elle jurent qu'elles sont venues prier pour ces jeunes gens, tous et aucun en particulier, faisant mine de passer d'une tombe à l'autre. Peu probable pourtant qu'elles s'imposent gratuitement, à elles et aux bambins, cette ascension éprouvante par une piste ravinée.
"On est inquiet, jour après jour Daesh (acronyme arabe de l'EI, utilisé en Afghanistan) se renforce et ce gouvernement n'est pas honnête", confie un homme frêle en costume gris, parapluie noir en main pour se protéger du soleil.
Musa Afzali, 56 ans (il en parait 20 de plus), vient se recueillir sur la tombe de son neveu: Mohamad Juna avait 20 ans, il vivait dans son quartier et le croisait chaque jour. Il lui manque.
En mémoire
"Je travaillais ce jour là, j'ai reçu un appel m'annonçant l'attentat. On a mis deux jours à retrouver son corps". Musa Afzali s'essuie les yeux dans son châle à cette évocation. Dans la panique, les rescapés avaient aidé à évacuer les victimes au hasard dans les hôpitaux.
Sur la photo qui orne sa tombe, l'étudiant fixe l'objectif d'un regard grave. Parce que son neveu était très actif au sein du mouvement, Musa Afzali ira manifester lundi, "en mémoire de tous ceux-là. On n'est pas meilleur qu'eux, on ne peut pas abandonner", dit-il en désignant les tombes.
Celles-ci sont surmontées de clichés de jeunes gens bien mis, souriants, étudiants pour la plupart, l'élite engagée de la communauté et son espoir.
Mais Qambar Hayder Ali, 68 ans, qui veille à l'entretien du cimetière, désigne aussi les tombes de trois enfants, des écoliers tombés avec leurs proches. Comme Assadullah, enterré près de son grand frère.
Un peu plus loin, des parents éplorés ont reproduit le certificat d'admission de leur fils, Sharif Beiroz, à l'Institut des langues de l'université de Pékin: le garçon en serait sorti en juillet 2020.
La minorité des Hazaras, qui compte trois millions de personnes, a été persécutée pendant des décennies. Des milliers de ses membres ont été tués à la fin des années 1990 par Al-Qaïda et les talibans, majoritairement des pachtounes sunnites.
En s'en prenant aux Hazaras, l'EI, mouvement extrémiste sunnite surgi en 2015 dans l'est de l'Afghanistan, combattu par l'Iran chiite voisin en Irak et en Syrie, a donné un tour sectaire au conflit afghan.
Depuis, l'EI qui gagne du terrain dans le nord a frappé à plusieurs reprises les mosquées et foules chiites du pays, notamment à Kaboul et Mazar-i-Sharif (nord), en octobre lors de l'Achourah, la principale commémoration religieuse de la communauté. Et plus récemment, le 16 juin, lors de la "Nuit du Destin" à la fin du Ramadan.
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