Les affrontements opposent Ahrar al-Cham, puissant groupe rebelle islamiste, à Tahrir al-Cham, coalition dominée par l'ex-branche d'Al-Qaïda.
Anciens alliés, les deux groupes avaient combattu côté à côte et chassé en 2015 les troupes gouvernementales de Bachar al-Assad de la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie.
Mais depuis des mois, les tensions ont grandi entre ces deux camps et ont été exacerbées, d'après les analystes, par les craintes de Tahrir al-Cham, désigné comme "terroriste" par la communauté internationale, d'un plan visant à le chasser de la province d'Idleb.
Tahrir al-Cham est dominée par Fateh al-Cham, autrefois connu sous le nom de Front al-Nosra, avant qu'elle n'annonce officiellement qu'elle n'était plus la branche d'Al-Qaïda en Syrie.
Les combats ont éclaté mardi et se sont rapidement propagés à travers la province et, dans la nuit, ont atteint Bab al-Hawa, poste-frontière clé avec la Turquie et qui était jusqu'à présent sous le contrôle d'Ahrar al-Cham.
Violentes explosions
"Il y a actuellement des affrontements au poste-frontière. C'est devenu un véritable champ de bataille", a indiqué à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
D'après l'Observatoire, les combats ont fait depuis mardi au moins 65 mots, dont 15 civils, parmi lesquels quatre enfants.
Le correspondant de l'AFP a entendu durant la nuit et jusqu'aux premières heures du matin le bruit des combats près de la localité de Ram Hamdane, dans l'est de la province, avec notamment de violentes explosions et le bruit d'armes lourdes.
Parallèlement aux combats, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes et localités de la province. Certaines demandaient l'arrêt des combats, d'autres le départ de Tahrir al-Cham.
Un journaliste citoyen a été tué et un autre blessé lorsque les jihadistes ont ouvert le feu sur les manifestants dans la ville de Saraqeb mercredi et jeudi.
Des vidéos relayées sur les réseaux sociaux ont montré des manifestants scandant des slogans hostiles à l'ex-branche d'Al-Qaïda, avant que des tirs ne soient entendus.
Les deux camps ont installé des barrages sur les routes et les combats ont transformé certaines zones en villes fantôme, les habitants restant terrés chez eux par peur des combats.
D'après les analystes, ces violences viennent à la suite de l'accord conclu en mai à Astana, capitale du Kazakhstan, et qui prévoit des "zones de désescalade" en Syrie, dans le but de mettre fin à la guerre entre loyalistes et insurgés.
L'accord, conclu entre la Russie et l'Iran, alliés du régime syrien, et la Turquie, soutien des rebelles, englobe la province d'Idleb.
Or Tahrir al-Cham est opposé à l'accord car celui-ci appelle également à la poursuite du combat contre des groupes jihadistes comme Fateh al-Cham et l'Etat islamique (EI).
Province disputée
"Dès la désignation de la province d'Idleb comme zone de désescalade (...) Tahrir al-Cham a senti que la guerre a été lancée contre lui", explique à l'AFP Nawar Oliver, analyste militaire auprès du Omran Centre, basé à Istanbul.
"Vous avez deux groupes insurgés se disputant le contrôle de la province", souligne Sam Heller, spécialiste de la Syrie auprès de the Century Foundation.
"Quelles que soient les divergences idéologiques entre eux, celles-ci ont été exacerbées par les pourparlers d'Astana ainsi que par les rumeurs, voire par la réalité, qu'il y a un accord plus large qui serait dirigé contre Tahrir al-Cham", selon lui.
D'après M. Oliver, les combats sont une opportunité pour chacun de capturer plus de territoire, y compris le poste-frontière où des taxes sont prélevées.
"C'est une tentative par chaque faction d'avoir plus d'influence sur de nouvelles zones", précise-t-il.
Déclenché en mars 2011 par la répression de manifestations prodémocratie et opposant initialement armée et rebelles, le conflit en Syrie s'est complexifié au fil des ans avec l'implication d'acteurs régionaux, de puissances internationales et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé.
Il a fait plus de 330.000 morts et des millions de déplacés.
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