Chemsex est la contraction de "chemicals" (drogues chimiques en anglais) et "sex". Le but: lever ses inhibitions, augmenter son endurance et son plaisir. Les dangers: addiction, overdose et risques de contamination, notamment au virus du sida, auquel une conférence internationale sur la recherche sera consacrée à Paris du 23 au 26 juillet.
"Il y a une augmentation des signaux sanitaires autour de ce phénomène, de la part des services de soins pour des maladies infectieuses ou des services d'addictologie", explique à l'AFP Maitena Milhet. Cette sociologue collabore au dispositif d'observation de l'OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), TREND, qui vient de publier une étude sur le chemsex.
Associer sexe et drogues, à deux ou en groupe, n'a rien de nouveau. Ce qui l'est en revanche, c'est l'utilisation de puissantes substances de synthèse achetées sur internet: méthamphétamines, GBL/GHB ou cathinones (principe actif du khat, une plante euphorisante).
De plus, la pratique est favorisée par les applis de rencontre comme Grindr.
"Avec les smartphones, vous pouvez tout faire depuis votre canapé: commander de la drogue et trouver des partenaires sexuels", relève Fred Bladou, de l'association française Aides, qui a mis en place un numéro d'urgence sur le chemsex.
"Ces drogues tuent"
Malgré l'absence de chiffres officiels, les travailleurs sociaux européens dressent le même constat: le chemsex est un phénomène certes marginal et circonscrit à une partie des hommes gay, mais qui tend à augmenter.
"Londres est sans doute la capitale du chemsex", note David Stuart. Ce pionnier dans la compréhension du phénomène travaille pour la clinique 56 Dean Street, spécialisée dans la santé sexuelle.
Selon lui, "3.000 hommes gays viennent consulter chaque mois en lien avec les conséquences du chemsex", qui sont multiples.
D'abord, les risques d'addiction. Certains "n'avaient jamais ou rarement pris de drogue auparavant et se mettent à en consommer massivement", souligne l'Allemand Andreas von Hillner, du centre d'accueil pour gays Schwulenberatung Berlin.
L'un des modes de consommation est particulièrement risqué: l'injection, appelée "slam".
En France, parmi les 21 cas de surdoses mortelles sur lesquels a enquêté la brigade des stupéfiants de Paris en 2015, trois étaient liés à l'usage de cathinones en slam et les victimes appartenaient au "milieu festif gay", selon l'OFDT.
"Ces drogues tuent", assure M. Stuart.
Autre danger: la désocialisation. "Le chemsex, c'est super quand tu planes complètement et que six ou sept mecs nus essaient de t'entraîner dans un coin de la pièce, mais les phases de descente peuvent avoir des effets dramatiques sur ta vie", raconte James Wharton.
"Intimité"
"Quand je me suis demandé +De quand date la dernière fois que tu es allé au ciné?+, j'ai réalisé que pendant deux ans, j'avais passé mes week-ends dans des appartements avec des gens uniquement pour le sexe", se souvient cet ancien soldat devenu militant LGBT, qui sortira le 27 juillet un livre sur son expérience.
Pour lui, les adeptes du chemsex recherchent une intimité immédiate: "Tu rencontres quelqu'un, tu couches avec lui dans l'heure, tu lui racontes des choses très personnelles et vous devenez très proches très vite".
Plus grave, les "chemsexeurs" s'exposent à des risques de contamination.
"Beaucoup n'utilisent plus de préservatifs quand leur perception des risques disparaît" à cause de la drogue, déplore Ivan Zaro, travailleur social à Madrid. Et l'échange de seringues peut favoriser les infections.
"Quand nous envoyons un pratiquant de chemsex en centre d'accueil pour toxicomanes, il se retrouve au milieu d'accros à la cocaïne, à l'héroïne, et ne s'y reconnaît pas", remarque M. Zaro.
"Ceux qui prennent de la drogue dans un but sexuel ne se voient pas comme des drogués", confirme Carsten Gehrig, de l'ONG allemande Aidshilfe Frankfurt.
En Allemagne, le gouvernement a chargé l'ONG Deutsche Aids-Hilfe de former les professionnels de santé au suivi spécifique des gays adeptes du chemsex.
"Il faut éviter les discours alarmistes, qui sont contre-productifs", pense Fred Bladou. "Plus on stigmatise les gens, plus on les coupe du soin".
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