La plus haute autorité administrative a jugé "illégale" la suspension de la procédure d'examen de l'interruption des traitements de Vincent Lambert décidée en 2015 par la cheffe de service de l'unité de soin du CHU de Reims, Daniéla Simon, au motif que "les conditions de sérénité et de sécurité nécessaire à sa poursuite (...) n'étaient pas réunies".
"Le médecin ne pouvait se fonder sur un tel motif pour prendre la décision de suspendre la procédure pour une période indéterminée", ont tranché les sages confirmant l'annulation de cette décision, prise le 16 juin 2016 par la cour administrative d'appel de Nancy.
Le Conseil d'État était saisi de deux recours contre cet arrêt qui ordonnait également au CHU de Reims de donner au médecin en charge de Vincent Lambert, ou "à tout autre praticien susceptible de lui succéder" les moyens "de poursuivre le processus de consultation".
Ces recours avaient notamment été déposés par les parents de Vincent Lambert, des catholiques traditionalistes opposés à l'arrêt des soins, et par son neveu, François, qui se bat au côté de Rachel, l'épouse du patient, pour qu'on le laisse mourir.
Les premiers contestaient les motifs de l'arrêt, le second considérait qu'il n'allait pas assez loin et réclamait la fin de l'alimentation et d'hydratation artificielles de Vincent Lambert avec le paiement par l'hôpital d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans l'exécution de cette décision.
Au final, le Conseil d'État a rejeté les deux pourvois en considérant que la cour d'appel de Nancy n'a pas fait d'erreur de droit dans son interprétation de la procédure à suivre.
Des "coups encaissés"
Vincent Lambert, 41 ans, ancien infirmier en psychiatrie, tétraplégique et victime de lésions cérébrales irréversibles, est hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Reims depuis un accident de la route en septembre 2008.
Si la décision du Conseil d'État clarifie le cadre juridique de cette affaire qui déchire depuis neuf ans la famille sur la question épineuse de l'euthanasie, elle n'aura pas de conséquences immédiates sur le sort de Vincent Lambert.
Le médecin chef du service, Daniéla Simon, seule décisionnaire en 2015 et donc directement visée par cette procédure, a en effet quitté ses fonctions en janvier dernier, usée par cette affaire. Et son successeur, Stéphane Sanchez, n'a pas repris le processus de consultation laissé en plan.
Dans son communiqué, le Conseil d'État a tenu à préciser, sans formuler d'injonction, que "le médecin actuellement en charge de Vincent Lambert devra à nouveau se prononcer sur l'engagement d'une procédure d'examen de l'arrêt des traitements de l'intéressé".
La procédure devrait donc repartir de zéro, ou presque, car, comme l'a rappelé le rapporteur public du Conseil d'État, "une décision prise par un médecin ne peut être imposée à son successeur".
C'est la raison pour laquelle, les sages ont confirmé que la décision le 11 janvier 2014 prise par le premier médecin de Vincent Lambert d'interrompre les soins "ne peut plus aujourd'hui recevoir d'application".
Problème de conscience, pressions? L'affaire Lambert semble de ce point de vue comme frappée d'une malédiction: le premier médecin-chef du CHU de Reims chargé du dossier, Eric Kariger, avait quitté ses fonctions en juillet 2014, expliquant avoir atteint ses "limites après les coups encaissés", avant que la Cour européenne des droits de l'Homme ne lève en 2015 le dernier obstacle juridique à l'arrêt des soins.
"Ce mécanisme qui fait peser sur le seul médecin la décision finale est une prime au harcèlement", a dénoncé à l'AFP François Lambert qui ne comprend pas qu'on reprenne à zéro une procédure sur laquelle se sont penchées les plus hautes autorités éthiques du pays.
Dans ses conclusions, le rapporteur public a reconnu les inconvénients d'une telle lecture "qui peut conduire à inspirer ou entretenir des comportements dilatoires".
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