En démissionnant mercredi, Pierre de Villiers, aussitôt remplacé par François Lecointre, a mis en évidence la contradiction entre un chef de l'État qui, depuis son investiture, vante l'importance qu'il accorde à l'armée et une réduction budgétaire où celle-ci est la plus grande perdante.
De quoi alimenter le soupçon d'un président qui ne tient pas ses promesses, cette accusation de "hollandisme" qu'Emmanuel Macron veut avant tout éviter, a confié un de ses proches à l'AFP.
C'est aussi un test direct pour son autorité et sa manière de gérer la contestation.
Le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner a ainsi réaffirmé mercredi son rôle de "chef", et averti que tout désaccord impliquerait un départ, ministres compris.
"Quand il y a un désaccord, l'un s'en va et est remplacé. C'est la même chose avec un directeur d'administration centrale, un directeur de services pour un maire ou un ministre avec lequel le Premier ministre aurait un désaccord", a insisté Christophe Castaner, rappelant que 180 directeurs d'admnistration centrale sont eux aussi sur la sellette.
'Faire passer la pilule'
"Emmanuel Macron a décidé de passer en force auprès de l'armée qu'il a utilisée à fond pour sa communication: cela ne pouvait pas marcher", commente l'expert en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet. "Pendant sa campagne il a fait des promesses généreuses mais met en place une politique d'austérité. Ce qui se passe avec l'armée préfigure ce qui risque de se passer dans d'autres secteurs", ajoute-t-il. "Savoir comment on fait passer la pilule est un défi pour tous les présidents."
C'est le dilemme que doit résoudre l'exécutif en démarrant ses réformes, qui commencent à susciter des remous jusqu'au sein de sa large majorité.
A commencer par les efforts d'économies demandées cette semaine aux collectivités locales, qui craignent que la suppression de la taxe d'habitation n'aboutisse à les priver de toute liberté d'action.
Les coupes budgétaires abruptement annoncées début juillet ont par ailleurs crispé plusieurs secteurs, en particulier l'enseignement supérieur, la justice ou encore l'Intérieur.
Et pour les économies massives annoncées pour 2018 (20 milliards environ), les priorités politiques "ne se traduiront pas forcément en priorités budgétaires" car "plutôt que dépenser plus, on peut réorienter", a souligné M. Castaner.
Emmanuel Macron a en revanche a réglé rapidement ces dernières semaines deux crises délicates.
La semaine dernière, devant les protestations des milieux d'affaires, l'Élysée est intervenu pour assurer que les baisses d'impôt, notamment de l'ISF et des charges patronales, commenceraient dès l'an prochain.
L'affaire des assistants parlementaires du Parlement européen, mettant en cause notamment le Modem, s'est terminée par le départ de son allié François Bayrou.
Éviter la fronde
Et les ordonnances sur la loi travail ont été votées sans remous à l'Assemblée jeudi.
Pour éviter tout risque de fronde, le président a d'ailleurs effectué mardi soir une visite surprise auprès des députés de sa majorité. "Il n'y a pas de caporalisme ici, il n'y a pas d'ordre jupitérien, comme diraient certains", a assuré le chef de l'État.
Il en a pourtant profité pour les inciter à "l'exigence" et à garder comme "boussole" ce "qu'attendent les gens" et "ce qui est bon pour le pays".
Une réponse aux rares élus REM qui ont émis publiquement quelques critiques comme Jean-Jacques Bridey, président de la commission de la Défense de l'Assemblée qui a "regretté" la coupe de 850 millions dans le budget de la Défense.
Emmanuel Macron doit aussi surveiller sa popularité, toujours élevée avec 66% de bonnes opinions en juillet mais en baisse de 3 points.
Cette crise a redonné du tonus à l'opposition. Les députés LR ont dénoncé "la dérive d'un pouvoir personnel" alors que la présidente du FN Marine Le Pen a pointé "les limites très inquiétantes de M. Macron".
A gauche, le leader de La France Insoumise (LFI) a dénoncé "une erreur absolument énorme" d'Emmanuel Macron.
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