Cet Iranien de 18 ans, grand sourire et regard perçant, ne redoute pas le passage prochain des policiers qui vont "faire le ménage" dans cette "mini jungle", comme il dit dans un français presque impeccable, car "ils restent corrects".
Depuis deux semaines et pour éviter toute reconstruction d'un campement permanent, ils sont venus à deux reprises dans ce bois du Puythouck, à quelques centaines de mètres de l'ancien camp détruit dans un incendie début avril, pour retirer tentes, casseroles usagées et autres sacs de couchages, dans le calme.
A la différence de Calais, les relations entre migrants et policiers semblent en effet moins tendues. "Ils retirent le matériel mais sans utiliser de gaz lacrymogène, ni donner de coups de pied, comme à Calais", relève Claire Millot, de l'association Salam.
Une situation que les associations expliquent par "la bienveillance" du maire Damien Carême, engagé de longue date auprès des réfugiés. Mais celui-ci ne "supporte plus" que quelque 300 personnes, essentiellement kurdes, y survivent dans la plus grande précarité.
"Bêtes humaines"
Sur Twitter, il a interpellé Emmanuel Macron avec des photos d'enfants dans le plus grand dénuement au milieu de détritus, dormant parfois à même le sol, exigeant de "l'humanité, la dignité, maintenant ici en France!".
Dans une lettre ouverte adressée au président, il estime que l'ex-camp de la Linière "n'était pas un point de fixation, mais bien un point d'étape". "En les traquant (les migrants) comme des animaux, nous les transformons inévitablement en bêtes humaines", poursuit-il.
Son courrier étant resté sans réponse, il se dit de nouveau prêt à ferrailler avec l'Etat, comme il l'avait fait début 2016 en ouvrant, avec l'aide de MSF, ce camp aux normes internationales où avaient été transférés plusieurs centaines de migrants vivant alors dans un terrible cloaque.
"Pour le moment, nous ne subissons pas le même flux qu'en 2015 mais qu'en sera-t-il d'ici quelques mois? Si on doit recréer un camp, il se fera sur l'ancien site de la Linière mais, en tirant l'expérience du précédent, ce sera davantage un camp de transit", explique-t-on dans son entourage.
Sans retour d'ici mi-août, la municipalité se dit prête à s'engager seule. Elle assure avoir les finances nécessaires mais estime que c'est à l'Etat de "prendre d'abord en charge".
Problème: celui-ci refuse catégoriquement tout "point de fixation" sur le littoral, comme l'avait affirmé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb à Calais mi-juin.
"Il faut payer"
Et depuis la destruction de la Linière, les services de l'Etat "mettent tout en oeuvre pour prévenir l'installation de nouveaux campements (...) car il n'y a pas d'avenir dans la création de camps aux conditions sanitaires et sociales très dégradées auxquelles s'ajoute l'emprise des réseaux criminels de passeurs", répète la préfecture de la région Hauts-de-France.
Grâce à des maraudes effectuées par l'office français de l'immigration et de l'intégration(OFII), les autorités se félicitent que "près de 350 migrants" du littoral, aient été mis à l'abri dans des CAO depuis le mois de mai.
Sauf que, nombreux sont ceux, à Calais (600 migrants selon les associations) comme à Grande-Synthe, à vouloir absolument rejoindre l'Angleterre.
"Mon frère habite à Manchester et pour parler la langue, c'est plus simple", affirme ainsi Amrad, un Syrien de 38 ans à la barbe grisonnante parfaitement taillée.
Cet ancien ingénieur en agriculture très élégant a rejoint le Nord la semaine passée depuis Vintimille. Confiant, il espère que son "tour viendra bientôt. Même si bien sûr il faut payer", déclare-t-il en baissant les yeux.
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