Au total, six militants des droits de l'Homme, dont Idil Eser, directrice d'Amnesty pour la Turquie, ont été incarcérés dans l'attente de leur procès à une date inconnue, a indiqué mardi matin à l'AFP Andrew Gardner, chercheur spécialiste de la Turquie à Amnesty.
Quatre autres militants des droits de l'Homme qui avaient été interpellés en même temps ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
"Ils sont accusés d'avoir commis un crime au nom d'une organisation terroriste, sans en être membre", a déclaré M. Gardner, qualifiant la décision de "choquant simulacre de justice".
L'expression "organisation terroriste" désigne le plus souvent pour les autorités turques les partisans du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d'avoir fomenté le putsch manqué de 15 juillet 2016, ou les séparatistes kurdes du PKK.
Leur placement en détention survient alors que les autorités turques ont lancé, après le putsch avorté du 15 juillet 2016, des purges d'une ampleur sans précédent dans l'histoire moderne de la Turquie qui ont suscité l'inquiétude des partenaires occidentaux d'Ankara.
Au-delà des putschistes présumés, ces purges ont touché des opposants politiques prokurdes, des médias critiques et plusieurs ONG, et les détracteurs du président Recep Tayyip Erdogan l'accusent de profiter de l'état d'urgence en vigueur pour étouffer toute voix dissonante.
"L'incarcération des six défenseurs des droits de l'Homme est un effroyable affront à la justice", a dénoncé Amnesty International dans un communiqué mardi.
Les six militants des droits de l'Homme écroués mardi avaient été interpellés avec quatre autres activistes lors d'un atelier de formation à la sécurité informatique et à la gestion des données sur l'île de Büyükada, au large d'Istanbul.
Parmi les six personnes incarcérées figurent un Suédois et un Allemand, tous deux formateurs lors de cet atelier.
'Chasse aux sorcières'
"Après cette décision, aucun de ceux qui défendent les droits de l'Homme en Turquie, que ce soit Amnesty International ou d'autres organisations, n'est en sécurité dans ce pays", a déclaré à l'AFP M. Gardner.
Les 10 militants avaient été présentés lundi à un procureur pour la première fois depuis leur interpellation. Parmi eux figurent également Ilknur Ustün, de l'ONG Coalition des Femmes, et Veli Acu, de la Fondation des droits de l'Homme.
La semaine dernière, M. Erdogan avait publiquement accusé les militants arrêtés de mener des activités s'inscrivant "dans la continuité du (putsch du) 15 juillet", sans autre précision.
Selon Amnesty, il s'agissait d'un atelier de routine sur les droits de l'homme comme l'ONG en organise régulièrement partout dans le monde.
"Ce n'est pas une enquête légitime, c'est une chasse aux sorcières politiquement motivée qui préfigure un avenir effrayant pour les droits en Turquie", a déclaré le secrétaire général d'Amnesty Salil Shetty, cité dans le communiqué de l'ONG.
Depuis le putsch avorté, plus de 50.000 personnes, dont des opposants du président Erdogan, des membres d'ONG et des journalistes ont été arrêtés.
Le mois dernier, le président d'Amnesty en Turquie, Taner Kiliç, avait également été arrêté, accusé d'être un partisan du prédicateur Gülen.
Les vagues d'arrestations depuis le putsch manqué ont suscité l'inquiétude de partenaires occidentaux de la Turquie et d'ONG, mais le gouvernement turc a jusqu'à présent rejeté toute critique et dénoncé un "manque d'empathie".
L'état d'urgence, promulgué quelques jours après la tentative de putsch du 15 juillet, a été prolongé de trois mois supplémentaires, lundi, et le président Erdogan a plusieurs fois répété qu'il ne serait levé "que lorsque tous les troubles auront disparu".
Dans son communiqué, Amnesty exhorte les dirigeants internationaux à "faire pression" pour obtenir la remise en liberté des militants des droits de l'Homme, "immédiatement et sans condition".
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