"Je ne suis pas venue ici pour ça. C'est arrivé naturellement", raconte Léo, 67 ans, installée dans le petit pays sud-américain depuis 2006.
L'ennui règne dans les rues larges et poussiéreuses de 25 de Agosto, ainsi nommé en hommage à la date de l'indépendance nationale. Les commerces sont rares. Les loisirs aussi. La gare locale a fermé depuis longtemps.
C'est justement ce qui a séduit Léo, qui eu en arrivant "l'impression de changer de siècle": "Quand j'ai mis les pieds par terre, sur cette place et que j'ai regardé autour de moi, il n'y avait rien, ni personne, et ça m'a vraiment plu".
"Cette énergie sans énergie, c'est le vide total, pour un artiste c'est ce qu'on peut trouver de mieux", assure-t-elle, car sans distractions extérieures, "il va chercher en lui-même".
Dans la ville quasi-déserte, il est facile de reconnaître l'artiste française, une grande femme aux cheveux blancs et courts, souvent vêtue d'habits rouge et d'une écharpe aux nombreuses couleurs, presque autant que dans ses tableaux et ses oeuvres murales.
Ce sont ces dernières, joyeuses et variées, qui ont redonné de l'énergie à ce "village gris" - selon les mots de ses habitants - fondé en 1873, en rendant peu à peu ses murs multicolores: ici on découvre des dauphins, là ce sont des tambours de Candombe, la musique traditionnelle uruguayenne, là encore un jardin exubérant.
Et ce qui devait arriver arriva: 25 de Agosto est désormais devenu une attraction touristique. Avant d'y arriver, des panneaux annoncent déjà la "Route des peintures murales", le village de 1.800 habitants en dénombrant désormais plus de 70, toute réalisées par Léo, aidée parfois des habitants. Le week-end, les curieux viennent découvrir cette oeuvre atypique.
'Comme un réveil'
"Elle nous a changé le village", s'enthousiasme Norma Figueredo, 67 ans, qui a toujours vécu à 25 de Agosto. "Il était triste, éteint. Maintenant tout le monde vient. Cela a été comme un réveil".
Dans son jardin, Norma est fière d'avoir une grande peinture de tambours de Candombe, qu'elle pense "inaugurer" en organisant une fête avec ses voisins.
Léo, qui peint tous les jours, a son atelier - une grande salle d'une bâtisse centenaire qu'elle a rénové avec son compagnon - juste en face de l'ancienne gare, délaissée depuis de nombreuses années.
Là, bouteilles de peinture, pinceaux, croquis et toiles se disputent l'espace, au milieu des meubles d'occasion. Mais le travail de Léo ne se joue plus vraiment dans cette pièce, mais en plein air.
"Je ne travaille plus mon art pour moi-même, je me suis dédiée aux gens du village puisque je peins ce qu'ils ont envie de voir sur leur façade. Je peins leurs désirs, en fait..." dit celle dont le prochain projet sera de représenter une lionne et ses petits sur le mur d'une maison voisine.
Elle ne se fait évidemment pas payer et donne aussi des cours de peinture à quelques habitants, qui exposent leurs créations dans un vieux wagon abandonné.
"Je considère ça comme un don. Un don de mon travail", confie-t-elle, consciente également que le passage du temps pourra être fatal à son oeuvre.
Ce sont "des oeuvres éphémères s'il n'y a personne pour les maintenir", reconnaît-elle, et le vent, la pluie pourraient un jour les effacer. Mais "mes oeuvres ne m'appartiennent plus".
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