Le départ est fixé à 12H25 porte d'Orléans, au sud de la capitale, mais Amel est arrivée dès midi: "c'est le dernier bus, si tu le rates, le parloir est foutu".
Fleury-Mérogis, la plus grande maison d'arrêt d'Europe avec 4.300 détenus pour moins de 3.000 places, est à une trentaine de minutes. Cette mère de jeunes jumeaux, 29 ans, y retrouve son mari, incarcéré depuis deux mois. Il devrait sortir en octobre, avant la naissance de leur troisième enfant.
Créée en 2010, la ligne est gérée par une filiale de Transdev, CEA Transports, basée à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne). Elle reliait à l'origine Denfert-Rochereau à Fleury-Mérogis, avant de suivre son tracé actuel depuis 2013.
S'il a d'abord fait l'objet d'une tarification spéciale prohibitive - douze euros l'aller-retour -, le voyage complet coûte quatre euros depuis 2015. De quoi populariser cette navette express.
En semaine, près d'une quarantaine de personnes, dont une écrasante majorité de femmes, l'empruntent quotidiennement. La fréquentation monte à 300 passagers le week-end, quand les familles sont plus disponibles pour les visites et les liaisons plus nombreuses.
"Ce bus, c'est de l'utilité publique, ça facilite vraiment la vie", apprécie Amina, 27 ans. "On arrive avec une heure d'avance, mais on est tranquille, on stresse moins".
Auparavant, Nadia, 52 ans, enchaînait métro, RER et bus, un trajet de plus d'une heure semé de correspondances incertaines. "Venir à Fleury était une épopée", résume cette mère, qui a déjà raté trois parloirs avec son fils, en détention provisoire depuis janvier 2016.
Seul homme à bord, Michel, le chauffeur, le ressent: "c'est une ligne agréable. Les gens qui sont là ont un but, aller voir quelqu'un. Ils sont très respectueux avec nous, ils ont déjà des problèmes, ils ne veulent pas en avoir davantage".
Les rares "embrouilles" sont causées par "les jeunes qui montent pour se faire déposer en chemin, près de chez eux". Michel, qui fait le trajet depuis deux ans, refuse toujours: "dans ce bus, c'est la priorité aux familles".
en mode Robot
Le 109, c'est un trajet plus court mais aussi plus solidaire. "Certains familles viennent de Marseille, de Montpellier et même d'Algérie. La première fois, elles prennent l'hôtel puis des mères leur proposent de les héberger les fois suivantes", raconte Amira, 24 ans.
La jeune femme, enceinte comme Amel, a noué avec celle-ci une complicité salutaire en quelques semaines. "On passe plus de quatre heures ensemble, deux à trois fois par semaine, on devient presque une famille", rigole-t-elle, tout en dévorant son sandwich. "Se parler, c'est important, ça soulage, ça fait passer le temps", abonde Amel.
D'autres préfèrent s'isoler, comme Sandrine, 45 ans, qui "déconnecte et se met en mode robot" ou Sarah, 26 ans, qui réfugie son regard sur l'autoroute A6, la joue collée contre la vitre.
Le trajet est aussi l'occasion de "se donner les noms des bons avocats", confie Nadia, qui limite ses échanges à "Ça va, vous tenez le coup?". "Je ne demande jamais de détails, ici on ne juge pas, les familles n'ont rien à voir", dit-elle.
Une attitude louée par Amina, qui préfère la compagnie des femmes plus âgées, comme Nadia, qui ont "plus de pudeur, plus de respect, ne te demande pas ce que ton copain a fait".
"Les minettes se rendent à la prison comme dans un centre aéré. Elles sont dans leur monde, elles n'ont pas les pieds sur terre", ajoute-t-elle, avant de descendre devant la maison d'arrêt pour hommes.
Le terminus du bus ne signe pas la fin du périple pour ses passagères. Les premiers parloirs ne débutent pas avant une heure suivant leur arrivée. La plupart repartiront ensemble avec le bus de 16H30. Amira peste: "Je dois prendre ma journée pour le voir seulement 45 minutes...".
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