"La seule fois où j'ai brisé un objet, c'était une assiette sans faire exprès", confie d'entrée Elora Towlson. D'un pas peu assuré, la jeune femme équipée d'un casque de moto et de gants se dirige vers la "zone de lancer", situé dans un box sécurisé d'une entreprise de déménagement à Noyal-Châtillon-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine).
"Je suis venue voir si je pouvais dépasser ma timidité, mes peurs, et oser devant des gens faire ce genre de chose", explique la cavalière de 20 ans, "rongée par le stress". Encouragée par la sophrologue et les six autres participants, elle réduit en milliers de morceaux des bouteilles de verre à l'aide d'un club de golf.
"L'atelier est à la fois ludique et thérapeutique, les gens peuvent venir juste pour s'amuser ou briser les interdits. L'atelier est un exutoire, on cherche à expulser toutes ses tensions et colères qui s'accumulent au fur et à mesure. Après avoir cassé des objets, les gens se sentent vidés et vraiment détendus", affirme Jennifer Le Guen, la sophrologue qui a importé le concept du Japon.
L'idée a déjà séduit les États-Unis ("rage room" ou "anger room") et en France outre Rennes, Paris et Lyon ont déjà adopté l'atelier défouloir.
Au fur et à mesure de la séance qui dure entre une heure trente et deux heures, un esprit équipe s'instaure, les coups sont plus francs, les cris se font entendre et les débris en tout genre s'amoncellent dans le box bordé d'une sono qui crache sans discontinuer de la musique rock.
"On monte crescendo, d'abord on casse des bouteilles en verre, de la vaisselle et puis de l'électroménager. On termine par une séance de sophrologie pour se détendre", détaille Mme Le Guen, spécialisée dans le gestion du stress.
"Lâcher prise"
Pour la seconde partie de l'atelier, chaque participant doit choisir 15 objets provenant des débarras de particuliers et destinés à la casse que récupère l'entreprise bretonne Déménage-moi. Avant de projeter contre le mur bols, cendriers ou encore théières, les participants y inscrivent au marqueur "leurs contrariétés".
Jany Towlson, la maman d'Elora, fait valser sans hésitation son assiette agrémentée des mots "retraite" et "facture", d'autres griffonneront discrètement le prénom d'un amoureux déchu.
"On est détendu, on n'est pas crispé quand on lance l'objet. C'est une sensation agréable, il n'y a pas de satisfaction de violence mais plutôt une notion de lâcher prise", commente la bretonne de 56 ans.
Elle laisse sa place dans le box à Élise qui se dit "calme" mais qui "bouillonne à l'intérieur", notamment lors de ses trajets en voiture. A défaut de s'en prendre à son "ordinateur au travail ou donner des coups de pieds à quelqu'un", la fonctionnaire reporte sa colère sur le mobilier mis à disposition pendant la thérapie.
Clémence, 26 ans, est venue accompagnée de son petit ami Gaël, 29 ans, pour tester l'atelier défouloir qui sera facturé dans les prochaines semaines entre 50 et 70 euros. L'un et l'autre se disent "sous tension".
"Le stress m'envahit et me pourrit la vie, je ne me contrôle pas autant que Gaël", admet la jeune rennaise. Pendant une minute chrono, munis d'une masse, ils vont s'acharner sur l'électroménager. "J'avais pas forcement de pensée particulière mais juste le fait de balancer de toutes nos forces, ça permet quand même de sortir quelque chose. Ça fait du bien", reconnait Gaël, le front perlé de gouttes de sueur.
Après avoir débuté à reculons l'atelier, la jeune cavalière l'achève également épuisée. "C'était très agréable mais physique. Des choses se passent dans notre esprit pendant qu'on tape. Je ne m'imaginais pas casser un frigo en arrivant et maintenant j'ai envie de recommencer !".
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