Ils arrivent au petit poste frontière de Myawaddy, dans l'est de la Birmanie, par dizaines à l'arrière de gros camions, souvent simplement chargés d'un sac à dos ou d'une légère valise.
"Nous passons notre temps à fuir la police", raconte Thu Ya, travailleur illégal de 32 ans, installé en Thaïlande depuis des années.
"Nous devons travailler dur pendant deux mois pour gagner 9.000 ou 10.000 bahts (230 à 260 euros) mais si nous sommes arrêtés, tout disparaît pour payer la police", ajoute-t-il.
Pour cet ouvrier dans une usine plastique, comme pour des dizaines de milliers de travailleurs illégaux, c'est la panique. Fin juin, la Thaïlande a adopté une nouvelle loi qui prévoit de très fortes amendes - jusqu'à 3.000 dollars - pour ceux ne disposant pas de permis de travail.
Devant l'exode et l'émoi des entreprises, privées de leurs salariés, la Thaïlande a annoncé peu après la suspension de la loi pour six mois.
Mais beaucoup ont décidé de quitter le pays, au moins pour quelques temps.
"Je veux revenir en Thaïlande pour travailler mais avec des papiers en règle", affirme Thu Ya.
Il n'existe pas de chiffres officiels. Mais selon, l'Organisation internationale pour les migrations, plus de 3 millions de travailleurs immigrés seraient employés en Thaïlande, des Birmans en grande majorité.
La Thaïlande annonce régulièrement des efforts, souvent de courte durée, pour lutter contre le trafic des migrants et réguler le flux des millions d'étrangers qui font tourner son économie dans ses usines, sur ses bateaux de pêche ou toutes sortes d'autres emplois sous-payés.
"Depuis que les rumeurs d'arrestation circulent, on doit se cacher, on ne peut plus travailler", raconte Thida Myint, 32 ans, qui a décidé de rentrer.
D'après Ko Thar Gyi, membre d'une ONG locale, entre 80.000 et 90.000 personnes sont revenues ces derniers jours.
Indicateurs économiques en berne
Pour beaucoup c'est la douche froide.
Silar, dont le nom a été modifié, travaille comme nourrice à Bangkok. "Tout le monde ne parle plus que de ça. C'est la panique", confie-t-elle.
Cette femme de 45 ans a travaillé des années en Thaïlande avant de rentrer en Birmanie pour retrouver son mari et sa fille, en 2015, peu de temps avant le triomphe électoral du parti de l'ex-dissidente Aung San Suu Kyi.
Elle était sure que les choses allaient changer dans le pays avec l'arrivée du premier gouvernement civil depuis des décennies.
"Mais en Birmanie, il n'y a toujours pas assez de travail, surtout à la campagne. Et les salaires restent très bas, plus faibles qu'ici", explique Silar, qui a fini par revenir en Thaïlande.
Quelques semaines après sa victoire, Aung San Suu Kyi s'était rendue en Thaïlande pour rencontrer les travailleurs birmans. Nombre d'entre eux rêvent d'un retour au pays.
Mais depuis son arrivée au pouvoir, en avril 2016, les indicateurs sont à la baisse. L'an dernier, la croissance est passée pour la première fois en cinq ans sous la barre des 7%, affichant une progression de 6,5%, bien en dessous des prévisions.
Après quelques années en tête du classement des pays d'Asie du Sud-Est, la Birmanie fait désormais moins bien que les Philippines, le Laos ou le Cambodge.
Et les prévisions pour 2017 ont aussi été abaissées de 1,5 point à 6,9% par la Banque mondiale.
Mais le plus inquiétant pour beaucoup est que l'attractivité du pays marque le pas. Au dernier trimestre de 2016, les investissements étrangers ont reculé de 28% alors que le pays est présenté depuis longtemps comme le futur eldorado de la zone.
Le gouvernement vient finalement de mettre sur pied une loi sur l'investissement et travaille à une nouvelle loi sur les sociétés, attendue pour la fin de l'année après plusieurs reports.
Les investisseurs étrangers ont maintenant la garantie d'avoir les mêmes droits que les entreprises locales et le gouvernement compte beaucoup sur l'installation de zones économiques franches.
Mais pour Khin Maung Nyo, économiste birman, le compte n'y est pas: "Nous avons un problème car les ministres mis en place n'ont pas de culture économique. Et puis les réformes se font beaucoup trop lentement".
A LIRE AUSSI.
Musique: le métal, un exutoire dans une Birmanie conservatrice
La Birmanie mène un "nettoyage ethnique" de la minorité rohingya
Birmanie: les rubis, un joyau aux mains des militaires
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.