Golden rottweiler dans une main, cavalier King Charles dans l'autre, Priscillia, 27 ans, promène "Zoé" et "Fatou" sous les arcades de cet hôpital impressionnant du 19e siècle en briques rouges. "J'adore les chiens, c'est sympa", lance-t-elle, guillerette.
"Priscillia souffre de psychoses infantiles, quand je l'ai prise en charge, elle n'avait comme rapport au monde que la souffrance, elle se scarifiait, se brûlait... Après une séance de cynothérapie, tout cela a disparu, c'était spectaculaire", assure William Lambiotte, infirmier cynothérapeute qui a introduit l'activité dans l'hôpital.
"Elle s'est ouverte aux autres, elle est devenue coquette, elle a retrouvé la valorisation qu'elle n'a jamais eue", ajoute M. Lambiotte, également éducateur canin.
Effet "anti-dépresseur", enrayement du processus d'isolement, diminution du stress, adaptation à la vie sociale... côtoyer, promener et s'occuper des canins engendrerait de nombreux bénéfices pour les patients. Mais, "les chiens sont aussi indispensables qu'inexplicables. Pourquoi des malades qui ne reconnaissent pas leur propre famille, reconnaissent, "Fatou", "Zoé" ou "Evie" ? Je ne l'explique pas", avoue M. Lambiotte.
"Evie" - un autre cavalier King Charles - sur les genoux, l'infirmier anime chaque semaine un groupe de parole d'une dizaine de malades. A tour de rôle, chacun dit ce qu'il a sur le coeur : "Mon père est mort", lance ainsi Karim avant de s'éclipser; "moi, ma cousine est vivante", poursuit Sylvie, alors que Jean-Claude raconte sa visite du château de Versailles.
"On a remarqué que la présence d'un chien lors des groupes de parole ramenait davantage de patients, mais surtout libérait la parole plus facilement", explique, en blouse blanche, M. Lambiotte.
'Un médicament comme un autre'
L'hôpital Philippe Pinel, qui compte environ 300 malades et quatre chiens, est le seul centre psychiatrique de France où la cynothérapie a été intégrée à l'arsenal thérapeutique, selon l'infirmier.
Depuis la création de l'activité, 259 patients de six à 98 ans et porteurs de 97 diagnostics différents ont été pris en charge, et 54 médecins sont désormais "prescripteurs de cynothérapie".
"On a commencé à utiliser ce type de thérapie pour des patients qui avaient du mal à s'ouvrir sur l'extérieur. Le patient replié sur lui-même se focalise sur l'animal qui le rassure, et arrive ainsi à faire abstraction du milieu persécutif environnant pour se confronter à la réalité", explique le Dr Cyril Guillaumont, chef de pôle.
Ainsi, "petit à petit, ces patients sortent de leur chambre, du service, de l'hôpital. On constate comment l'animal a pu être le traitement qui leur a permis de s'ouvrir", ajoute-t-il.
A l'image de Stéphane, 43 ans, un patient atteint de schizophrénie qui pique-nique avec "Zoé" à ses côtés dans la cour de l'hôpital.
"Quand on m'a demandé de le prendre en charge, il vivait nu et seul dans sa chambre, il avalait tout, des fourchettes, ses draps qu'il coupait en lanières... Puis il a vu les chiens et ça lui a sauvé la vie, l'ingestion de corps étrangers s'est arrêtée du jour au lendemain", témoigne M. Lambiotte.
Cette thérapie "permet aussi de diminuer chez certains patients les traitements psychotropes administrés jusqu'alors. L'effet d'apaisement apporté par l'animal rend les patients plus calmes et de ce fait-là, il n'y a pas besoin d'être dans une escalade thérapeutique", affirme le Dr Guillaumont.
Finalement, "c'est un médicament comme un autre : il y a une évaluation initiale, une prescription avec l'accord du patient et un effet thérapeutique qui est évalué", conclut-il.
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