Fermé pendant quatre ans, ce café a rouvert pour la première fois en juin, plus de six mois après la reprise totale de la cité par le régime. Une réouverture qui fait le bonheur des habitants de Midane, principal quartier arménien de la métropole septentrionale ravagée.
Dans l'établissement à l'ambiance familiale, situé entre le club arménien et l'église Saint Krikor, les rires de dizaines de clients et le chahut des enfants a remplacé le bruit des explosifs.
"C'est comme un rêve d'être ici", se réjouit Mme Menassian, membre du club.
"A chaque fois que j'y entre, je n'en reviens pas", dit cette femme de 50 ans en regardant des clients fumant le narguilé, d'autres sirotant de l'arak, spiritueux anisé du Levant.
Bien qu'ouvert seulement en 2007, quatre ans avant le début de la guerre en Syrie, ce café populaire est devenu rapidement le favori des habitants de Midane car il est spacieux et en plein air.
'Une même famille'
Le décor y est très simple, avec des chaises et des tables en plastique bordées de nappes blanches, éclairées en cette soirée par des ampoules.
"On s'est dit que si ce café rouvrait, les gens reviendraient", affirme avec émotion Mme Menassian. "Nous sommes tous une même famille ici".
Alep, ville multi-communautaire, abritait le plus grand nombre d'arméniens de Syrie, avec 150.000 personnes, sur un total de 350.000, selon le géographe spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche.
Mais avec la guerre destructrice qui a divisé en 2012 Alep, la communauté ne compte plus que 10.000 personnes. La plupart ayant fui en Arménie, au Liban voisin ou en Europe et aux Etats-Unis pour les plus fortunés.
Situé dans l'ouest d'Alep, un secteur sous contrôle du régime pendant la bataille pour le contrôle de la ville, le quartier de Midane était bombardé par les rebelles du quartier adjacent de Boustane al-Bacha.
"Je me souviens encore du jour où une quarantaine de projectiles se sont abattus ici même", dit Mme Menassian qui, malgré la guerre a continué à fréquenter le club.
Dans la guerre d'Alep, les troupes du régime fortes de l'appui aérien ont pulvérisé à coups de barils d'explosifs le secteur rebelle situé dans l'est de la ville, aujourd'hui un dédale d'immeubles aplatis.
Les insurgés, eux, tiraient des roquettes ou encore des bonbonnes à gaz vides et bourrés d'explosifs sur la partie gouvernementale.
'Les beaux jours de retour'
Pendant quatre ans, "Midane était presque désert, beaucoup de familles ont quitté", raconte Mme Menassian, dont la maison a été détruite.
Sa fille avait fui avec sa famille à Erevan où son mari a travaillé comme joaillier. Mais ils sont maintenant de retour.
Son mari, vendeur de pneus de voiture, a rouvert, comme la moitié des commerces à Midane.
Mais au total, seules quelques familles sont retournées dans le quartier après la fin de la bataille.
La réouverture du café, "c'est le retour des beaux jours", assure néanmoins Haroutioun Kahvedjian, dentiste de 57 ans resté à Alep, mais dont la famille s'est réfugiée au Liban.
"J'ai envoyé une photo du café à ma fille pour l'encourager à revenir", dit-il, les yeux larmoyants.
"Ce café est le symbole de notre résistance à Alep", assure cet homme qui devait parfois soigner des blessés transportés au club.
Point de rencontre
A Alep, autrefois poumon économique du pays, d'autres endroits symboliques reprennent vie.
La célèbre citadelle d'Alep, ancien haut lieu touristique situé dans le coeur historique, reste une position militaire.
Mais en bas de la forteresse médiévale, illuminée en soirée, un café a ouvert ses portes il y a une semaine, pour la première fois depuis 2012.
"Quand je voyais des images de la citadelle à la télévision, j'avais les larmes aux yeux", dit Bachir Azmouz, le gérant du café.
En face, se dressent des ruines d'immeubles.
"Aujourd'hui ma joie est indescriptible", assure-t-il.
Autre symbole: la place Saadallah al-Jabiri, point de rencontre des Alépins dans le centre-ville, qui porte encore les stigmates des violences.
L'électricité y a été rétablie il y a aussi une semaine, attirant de nouveau les habitants.
"Personne n'osait mettre les pieds ici pendant la guerre", assure Mohammad Daouk, fonctionnaire de 37 ans, venu avec sa famille.
Autour de lui, des enfants jouent dans des fontaines aujourd'hui asséchées.
"La place était un symbole. Tous les Alépins venaient ici".
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