En terminale ES au lycée Jean-de-La-Fontaine à Paris, Taeho, 18 ans, est sorti plutôt confiant de la première épreuve de baccalauréat, celle de philo. Il vise "la mention bien, de préférence" (soit une moyenne supérieure ou égale à 14/20), une récompense qui serait la bienvenue "pour l'estime de soi et pour l'honneur".
Au fil des années, le nombre de mentions n'a cessé d'augmenter. L'an dernier, les admis étaient 60,5% à en obtenir une au bac général, 46,6% au bac technologique et 54,4% au bac professionnel, selon les chiffres du ministère de l'Education.
En 2000, ils n'étaient que 25,9% à décrocher une mention au bac général et 19% dix ans plus tôt.
La proportion de mentions "très bien" (qui récompense une moyenne supérieure ou égale à 16/20), rarissime en 1990, puisqu'elle ne concernait que 0,6% des admis, a également explosé: 13,9% des candidats reçus l'an dernier ont arraché ce Graal.
Comment expliquer une telle inflation ? "Il faut distinguer deux types de mentions", explique Claude Lelièvre, historien de l'éducation: "les mentions +assez bien+ (moyenne supérieure ou égale à 12/20) et +bien+ ont augmenté mécaniquement, en même temps que le nombre de reçus au bac progressait".
"La hausse des mentions +très bien+ est un phénomène relativement récent", poursuit-il. Elle s'explique par la prise de conscience que les filières littéraires risquaient une perte de vitesse si on ne relevait pas les barèmes.
Parallèlement, la multiplication des options, assorties d'un coefficient particulièrement avantageux, a permis de faire grimper les notes d'année en année. Ainsi, les points obtenus grâce au latin et au grec comptent désormais triple si ces langues anciennes sont choisies en première option.
"Il y a un contrat tacite avec les enseignants qui veut que les options soient bien notées", souligne Claude Lelièvre.
Seuls les points au-dessus de la moyenne étant pris en compte, quelques candidats obtiennent même chaque année des moyennes supérieures à... 20.
Reconnaissance du travail
François Martin, professeur de français-latin-grec dans un collège d'éducation prioritaire de Seine-Saint-Denis, ne lit pas dans ces résultats une baisse du niveau d'exigence, mais "une reconnaissance du travail de l'élève". "Oui, les options, ça rapporte des points, mais ce sont des élèves qui prennent des cours en plus, donc c'est une manière de récompenser leur investissement", juge-t-il.
C'est d'ailleurs la "reconnaissance" que cherchent avant tout les lycéens avides de mention. "Je sais que mes parents préfèreraient que j'en aie une", glisse Camille, 18 ans, qui passe un bac ES. "Et ça me rendrait fière, même si je n'en ai pas vraiment besoin puisque je suis prise en licence d'économie à la Sorbonne l'an prochain".
Grâce à la procédure d'admission post-bac (APB), la plupart des décisions d'admissions dans les filières supérieures sont en effet bouclées avant les résultats du baccalauréat.
Recherchées, mais inutiles les mentions ? Pas totalement, car elles facilitent l'entrée dans certaines filières sélectives (BTS ou DUT, quelques IEP en province...). Et elles peuvent être déterminantes pour partir à l'étranger, dans des établissements prestigieux en Angleterre, en Suisse ou au Canada par exemple.
Le dispositif "meilleur bachelier" mis en place par l'ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem permet aussi de récompenser les 10% de bacheliers ayant obtenu les meilleurs résultats en leur permettant d'accéder à des filières sélectives (classes prépa, IUT, formation d'ingénieurs post-bac...), s'ils n'ont pas eu leur premier voeu sur APB.
Eloïse, qui passe un bac L, n'a pas trop de questions à se poser: elle est déjà acceptée en prépa littéraire à Fénelon (Paris, VIe). Des études un peu angoissantes, alors "avoir une mention, ça boosterait ma confiance", pressent-elle.
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