Chauffé à blanc par un soleil de plomb, un blindé noir des forces spéciales irakiennes serpente à grand peine entre les montagnes de débris de ce qu'il reste de la vieille ville de Mossoul: un océan démonté de gravats et de véhicules broyés débordant de ruelles éventrées ou à moitié détruites.
Le sergent Ali Dhiaa le gare finalement face à la grande mosquée al-Nouri et son minaret penché du XIIe siècle, Al-Hadba. Ou plutôt ce qu'il reste de ces joyaux historiques du nord irakien, dynamités il y a huit jours par les jihadistes face à l'avancée de l'armée dans leur dernier carré de Mossoul.
L'armée irakienne a finalement repris ces sites.
Tout un symbole: en juillet 2014, c'est dans cette mosquée de briques au dôme vert que le calife autoproclamé de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, fit son unique apparition publique.
Ce vendredi, le sergent Dhiaa rejoint une petite dizaine d'autres blindés des forces spéciales, tête de mort dessinée sur chaque capot, déployés pour surveiller les lieux.
Des tirs divers continuent de résonner dans le quartier. Puis une sourde explosion et un énorme nuage de fumée: à 200 mètres de là, un bombardement de l'armée irakienne ou de ses alliés occidentaux vient de faire exploser le haut d'un bâtiment soupçonné d'abriter des combattants de l'EI. Plusieurs frappes suivront dans la demi-heure aux alentours.
Si le minaret penché n'a plus que sa base, la mosquée est encore partiellement, debout. Seul reste un petit tiers du bâtiment, principalement le dôme vert et son épaisse base hexagonale, fissurée, éventrée et ouverte à tous les vents. Mal en point, comme en équilibre instable.
"Nous on va rester!"
Le sergent Dhiaa contemple les dégâts d'un oeil triste et ému: "On était arrivé tout près de la mosquée et du minaret quand ils les ont fait exploser. Pour nous, c'étaient des symboles. En les détruisant, nos ennemis on détruit la civilisation".
La reprise de ces sites, même mutilés, n'en reste pas moins une aubaine pour le gouvernement irakien: le Premier ministre Haider al-Abadi, y a aussitôt vu la fin du "califat" proclamé par l'EI.
L'avancée de l'armée dans le vieux Mossoul, compliquée par la présence de dizaines de milliers de civils pris au piège, semble toutefois inexorable face à des jihadistes encerclés.
Pour l'armée, Mossoul sera reconquise d'ici "quelque jours". D'autres observateurs locaux sont moins optimistes, évoquant encore plusieurs semaines.
Au coin du vaste portail d'entrée blanc et vert de la mosquée, des soldats en T-shirt noir arrivent hilares, un grand drapeau noir jihadiste à la main.
Ils posent devant les ruines tout sourire, prenant soin de mettre l'étendard ennemi tête en bas, "car c'est le drapeau de la défaite de l'EI".
"Et il est où, Baghdadi ? Nous les forces spéciales, on va rester!" crient-ils, détournant la propagande de l'EI, qui après ses premières conquêtes avait clamé être là pour "rester et s'étendre". Certains dégainent leurs téléphones portables, enchaînant les selfies de la victoire.
Mais l'euphorie est vite douchée par une rafale de kalachnikov, plus proches que les précédentes. Un tir de snipers s'écrase à quelques mètres au-dessus des soldats, sur le portail de la mosquée. Un autre un peu plus loin sur le sol. Des balles fusent dans l'air, suivies de nouvelles rafales de kalachnikov.
Sans demander leur reste, les soldats courent s'engouffrer dans leurs blindés, qui quittent la zone en quelques minutes. La veille au soir, dans une rue voisine, un des leurs avait été tué et trois autres blessés par un sniper de l'EI, selon une source interne.
Pour reprendre la très symbolique mosquée, les forces spéciales ont redoublé d'ardeur ces derniers jours et fait une percée rapide dans la zone tenue par les jihadistes. Au risque de s'y retrouver en partie cernés par des tireurs embusqués.
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