Quelques heures avant de devenir le premier président du Brésil à faire l'objet d'une telle demande, M. Temer s'était pourtant dit indestructible.
"Rien ne nous détruira, ni moi, ni mes ministres", a-t-il affirmé lors d'un discours au Palais de Planalto.
Pour que le président soit inculpé et traduit devant la Cour suprême, la demande du procureur-général Rodrigo Janot doit être acceptée par les deux tiers des députés. Dans ce cas, M. Temer serait écarté du pouvoir pour une durée pouvant s'étendre à 180 jours.
Le procureur général accuse notamment M. Temer de s'être "prévalu de sa condition de chef d'État" pour recevoir 500.000 réais (environ 150.000 dollars) de pots-de-vins de la part du géant de la viande JBS, impliqué dans le gigantesque scandale de corruption qui touche le Brésil, selon l'acte d'accusation rendu public par la Cour Suprême (STF).
La crise politique a atteint son paroxysme à la mi-mai, avec la révélation d'un enregistrement sonore compromettant dans lequel le chef de l'État semble donner son accord à un des propriétaires de JBS pour acheter le silence d'un ex-député aujourd'hui en prison.
Il y a deux semaines, il a échappé de justesse à la justice électorale, bénéficiant d'un non-lieu dans une affaire de financement illégal de campagne qui aurait pu lui coûter son mandat.
"Il n'y a pas de plan B, il faut continuer à aller de l'avant", a insisté M. Temer, en référence aux mesures d'austérité que son gouvernement tente de mettre en place pour sortir le pays d'une récession historique.
"Réseau de solidarité"
Même si le Brésil donne de timides signes de reprise, la cote de popularité de M. Temer est au plus bas, avec un taux d'approbation de 7%, le pire pour un président brésilien depuis près de 30 ans, selon un sondage publié samedi par Datafolha.
Plus grave encore, 65% des personnes interrogées souhaitent qu'il quitte le pouvoir avant le terme de son mandat, fin 2018.
Il s'agirait du deuxième changement brutal à la tête de l'État en un an, après la destitution controversée de Dilma Rousseff (gauche), dont M. Temer était le vice-président avant qu'elle ne soit écartée du pouvoir pour maquillage des comptes publics.
Selon les spécialistes, ce scénario est néanmoins plus improbable, car le président actuel dispose encore d'appuis importants au Parlement.
"Beaucoup de députés sont aussi impliqués dans des affaires de corruption, ce qui crée un sorte de réseau de solidarité", explique à l'AFP Sylvio Costa, analyste politique du site Congresso em Foco.
"Il ne dispose plus d'une majorité solide au Parlement, mais l'opposition n'a pas la force nécessaire pour l'écarter du pouvoir", prévoit-il.
"Organisation criminelle"
Les accusations dont M. Temer fait l'objet sont pourtant d'une extrême gravité. Les enquêteurs disposeraient de preuves qui "indiquent avec vigueur la pratique de corruption passive", selon un rapport préliminaire rendu public la semaine dernière.
L'enquête repose sur les confessions explosives de dirigeants du géant de la viande JBS, dont l'un des propriétaires, Joesley Batista, est l'auteur de l'enregistrement compromettant qui a déclenché le scandale.
Une des principales lignes de défense du président consistait à dénoncer une "manipulation" de cet "enregistrement clandestin", mais l'expertise de la police brésilienne atteste qu'aucun montage n'a été effectué, a révélé vendredi le journal Folha de Sao Paulo.
Au-delà de cet enregistrement, les témoignages d'anciens cadres de JBS font aussi état du paiement de millions de dollars de pots-de-vin pour alimenter les caisses noires de partis de tous bords, y compris le PMDB de M. Temer.
Le rapport de la police évoque des preuves du versement de pots-de-vin à l'ex-député Rodrigo Rocha Loures, ancien proche collaborateur du président, arrêté le 3 juin dernier.
Filmé en train de recevoir une valise pleine de billets, M. Loures est cité par plusieurs dirigeants comme l'intermédiaire de M. Temer pour le paiement de ces dessous-de-table.
En plus des soupçons de corruption, l'enquête dont il fait l'objet porte aussi sur des accusations d'entrave à la justice et d'association de malfaiteurs.
Rodrigo Janot doit se prononcer prochainement sur ces deux autres chefs d'accusation.
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