"1977-2017: 40 ans de marche, 40 ans de luttes". L'affiche anniversaire annonce la manifestation de samedi d'un poing fermé posé sur un parterre arc-en-ciel, et résume quatre décennies de "mouvement pour réclamer des droits", et les "consolider", explique Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'Inter-LGBT, l'association organisatrice. Le combat partait de loin.
"La première fois que je suis allé dans une boîte de nuit gay, à un moment, toutes les lumières se sont allumées. La police est entrée. On a commencé à nous fouiller, à nous traiter comme des sous-hommes", se souvient Jean-Luc Romero, 57 ans, le premier élu français à avoir rendu publique son homosexualité.
Jusqu'en 1981, l'homosexualité était considérée comme une maladie mentale en France. Les actes "impudiques ou contre nature" ne cessèrent qu'en 1982 d'être passibles d'emprisonnement. Forêts, espaces verts et toilettes publiques furent longtemps les seuls lieux de rencontre disponibles.
Jeune adulte, "je me suis fait arrêter dans une pissotière de la gare Saint-Lazare avec un autre homme", raconte Rodolphe, un prénom d'emprunt, 66 ans. "Les policiers voulaient prévenir ma famille. J'ai pleuré pour m'en sortir".
Des groupes homophobes sortaient pour "casser du pédé". "J'ai été frappé dans la rue à Toulon, où je vivais, puis à Paris, par des gens qui m'avaient repéré", narre Richard, la soixantaine.
La dépénalisation de l'homosexualité provoque un changement de décor radical. A Paris, les boîtes de nuit ouvrent en pagaille. "C'était les années Palace", du nom de ce bar légendaire dans la communauté LGBT, "avec des fêtes énormes, très drôles", se souvient Michel, actuel patron d'un bar gay réputé.
Au début du premier septennat de François Mitterrand, "on parlait de sept ans de bonheur" à venir, sourit Jean-Luc Romero. "Mais après, le sida nous est tombé dessus".
'Maladie honteuse'
Dans la communauté LGBT, les morts se comptent par milliers. La "maladie honteuse", qui décime particulièrement les homosexuels, sert de déclencheur à de nouvelles revendications. "Dans les années 1970, on voulait un droit à la différence. Avec le sida, on a pris conscience que quand l'un mourait, l'autre était mis à la porte. C'est là qu'on a commencé à parler du Pacs", remarque Jean-Luc Romero, qui dans son livre "SurVivant" raconte ses "trente ans" avec le virus.
Le pacte civil de solidarité, union civile accessible aux personnes de même sexe, est voté en 1999. Le mariage pour tous le sera en 2013. Au terme d'années de luttes, ponctuées chaque mois de juin d'une Marche des fiertés.
La date n'est pas un hasard. La première "Gay pride" (fierté gay) fut célébrée en juin 1970 à New-York, un an après les "émeutes de Stonewall", un bar "LGBT-friendly" de la ville où des centaines de personnes s'étaient opposées à une descente policière.
"Ce qui se joue dans cette manifestation, c'est la question de l'égalité des droits", rendue "visible" par un "collectif", analyse le sociologue Eric Fassin. En quarante ans, on est passé du traitement d'une "pathologie homosexuelle" à celui d'une "politique homosexuelle", ajoute-t-il.
"Avant, il y avait une homophobie d'Etat", observe Yohann Roszewitch, conseiller de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme, et la haine anti-LGBT. "Cette année, pour la première fois, l'Etat est partenaire de la Marche des fiertés", se félicite-t-il.
Plus d'acceptation, d'intégration. Dans les grandes villes, des jeunes de même sexe se tiennent désormais librement la main, s'embrassent. Le mariage pour tous, qui avait provoqué des débats houleux en 2012-2013, est mieux accepté.
Ce qui n'empêche une augmentation de 20% des actes homophobes en 2016, selon l'association SOS homophobie. "Les rétrogrades sont toujours là", harangue Clémence Zamora-Cruz, de l'Inter-LGBT. "Notre mouvement doit continuer à se mobiliser".
Samedi, le slogan de la Marche sera "la PMA pour toutes, sans condition et sans restriction". La procréation médicalement assistée est aujourd'hui accessible aux seuls couples hétérosexuels. Le candidat Emmanuel Macron, au printemps 2017, s'était dit "favorable" à son ouverture "aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires".
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