QUESTION: Que disent les projections climatiques en matière de canicule à Paris et ailleurs ?
Réponse: "Pendant les épisodes de chaleur, on relève déjà une différence de 3°C en moyenne entre Paris et la grande couronne. Les canicules amplifient le phénomène: en 2003 l'écart était de 8°C ! C'est le problème des villes : les +îlots de chaleur urbains+, qui empêchent le refroidissement la nuit, car on a trop de bitume dans nos espaces publics.
Les projections sont assez impressionnantes. Entre 1970 et 2007, on a eu en moyenne un jour de canicule par an. Entre 2070 et 2099, on pourra monter à 26, si les émissions de gaz à effet de serre gardent leur rythme. Et si l'on se réfère au niveau de la canicule de 2003, ce sera un été sur deux à partir de 2050.
Donc les épisodes caniculaires vont augmenter, en fréquence, en intensité, en longueur. Il faut impérativement adapter nos villes."
Q: Quels sont les atouts et vulnérabilités de la capitale ?
R: "Parmi ses vulnérabilités, il y a la densité du bâti, avec peu d'espaces de respiration végétalisés, contrairement à d'autres villes.
Une autre concerne le stress sur la ressource en eau, à partir de 2050, peut-être avant, du fait de sécheresses à répétition. Or pour rafraîchir la ville, on a besoin d'eau, pour brumiser, arroser... et celle-ci doit répondre à des critères sanitaires.
Ce qui appuie le choix actuel de rendre la Seine aux habitants. On doit pouvoir l'utiliser pour se rafraîchir, comme aux siècles passés. Dès cet été, on se baignera dans le bassin de la Villette, dès 2019 dans le lac Daumesnil. La Seine et ses affluents sont donc un atout, à préserver.
Un autre est qu'on a dix ans de plan climat derrière nous et une stratégie d'adaptation au réchauffement climatique votée en 2015. Paris a été une des premières au monde à considérer que l'enjeu n'était pas juste de réduire les émissions de gaz à effet de serre mais de commencer à se préparer, puisqu'on va prendre le réchauffement de plein fouet."
Q: Quelles solutions alors pour encaisser les chocs caniculaires ?
R: "Le rafraîchissement ne doit pas, ou peu, consommer d'énergie. Soit on trouvera des solutions naturelles, durables, soit on mettra des climatiseurs partout, ce qui ne fera que renforcer les émissions et le réchauffement !
Nous devons multiplier les accès à l'eau. Nous expérimentons la brumisation de l'espace public, avec le réseau d'eau non potable. Même si ça restera localisé.
Volet fondamental, la végétalisation. Murs et toitures, permis de végétaliser... autant d'espaces qui laissent s'infiltrer l'eau, permettent l'évapotranspiration, font de l'ombre. Ce n'est pas gadget !
Le conseil vient de voter le test de nouveaux enrobés bitumeux. Dans certaines villes, les trottoirs sont enherbés. A Paris c'est compliqué, il y a trop de flux. Mais partout où on pourra mettre un peu de terre ce sera bien.
On travaille sur une "voirie résiliente", avec zones et +parcours de fraîcheur+, autant d'+oasis+ qui seront cartographiés pour les périodes de canicule. Car il faut 2-3 heures pour que l'organisme puisse se refroidir et affronter une quinzaine d'heures de canicule.
Les pouvoirs publics sont là, mais il faut s'appuyer sur la population et penser aux solutions qui ne sont pas que de l'investissement, le meilleur exemple étant le programme +Cool biz+ mené à Tokyo par les pouvoirs publics, qui pousse les entreprises à interdire le port du costume-cravate pendant les canicules. Au Japon, les marques de vêtements comme Uniqlo en ont fait un argument commercial ! C'est toute l'idée de la résilience : partir d'un problème pour construire du positif."
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