"Avec la philo, on ne peut jamais vraiment être content de soi, ça dépend trop du prof qui corrige", lançait Camille, résignée, en sortant jeudi dernier de la première épreuve du bac.
"Faux !", rétorque Marie Perret, 43 ans, professeur de philosophie à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), et rompue à cet exercice depuis plus de 20 ans.
En effet, tout est prévu pour ne pas laisser de place à l'arbitraire, grâce à un processus de correction extrêmement encadré.
"Lors d'une première réunion d'entente, quelques jours après l'examen, nous avons travaillé avec d'autres correcteurs sur des copies test envoyées par l'inspection, en essayant de nous mettre d'accord sur les principes de notation", explique l'enseignante. Une première commission "très utile" pour évaluer les copies moyennes, qui sont "les plus difficiles à corriger".
Cette année, cette professeur a 125 copies à apprécier. Elle s'y attelle dans son appartement parisien, à raison de 10 à 15 par jour. La chaleur, couplée à la lassitude, peut rendre l'exercice parfois pénible. "Je fais attention à certains symptômes: quand je perds le fil, je sais que je dois m'arrêter car mon jugement risque de s'émousser", raconte-t-elle.
Une seconde lecture lui permet d'"affiner son échelle de notes". Mais le processus n'est pas pour autant terminé.
La semaine prochaine, elle se rendra à une seconde réunion, dite "d'harmonisation", censée permettre "la mise en oeuvre d'un principe d'équité". "On va par exemple lire une copie à laquelle on a mis 7/20 et écouter le jugement des autres professeurs, ce qui pourra faire bouger nos grilles de lecture".
'Avatar'
A l'issue de la réunion, certains correcteurs feront sans doute évoluer leurs notations vers le haut s'ils ont été trop sévères, ou à l'inverse vers le bas, s'ils se montrés trop indulgents.
"On met 6 à une mauvaise copie et moins de 6 à ce que l'on appelle dans le jargon une +non copie+, qui ne répond à aucune des attentes minimales", explique Marie Perret. Ces devoirs les plus faibles "auraient pu être écrits par des élèves de première", qui n'ont donc jamais fait de philo. Si une copie est très brève, "c'est souvent le signe qu'elle est superficielle".
"On regarde les capacités d'analyse et la maîtrise d'une certaine culture philosophique", poursuit-elle. Mais rien n'interdit les élèves de citer d'autres références.
Dans son paquet de copies, plusieurs candidats ayant choisi le sujet de dissertation "Peut-on se libérer de sa culture?", se sont par exemple appuyés sur le film "Into the wild" (de Sean Penn, l'histoire d'un étudiant qui part vivre dans la solitude de l'Alaska). "L'un des candidats a problématisé la culture en analysant la mort du personnage principal, et c'était très bien", assure Marie Perret.
A l'inverse, "un autre candidat a utilisé de façon maladroite" la référence au film "Avatar" (de James Cameron), se noyant dans des "digressions" et "perdant de vue le sujet".
"On peut tout à fait s'appuyer sur un film, un roman, une oeuvre d'art, à condition d'en tirer quelque chose", explique-t-elle.
Les correcteurs devront faire remonter le 30 juin leurs notes définitives. Mais celles-ci pourront encore évoluer, au moment des délibérations: deux jours avant les résultats du bac le 5 juillet, les correcteurs des différentes matières réunis en jury pourront en effet décider de repêcher quelques candidats "tangents", à la lecture de leur livret scolaire.
Cette année, la première copie corrigée par Marie Perret a obtenu un 20/20, une note tout à fait atteignable en philosophie, contrairement aux préjugés. "Quand on tombe sur une bonne copie, ça rend optimiste", dit-elle. "C'est même parfois émouvant".
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