Le Rubin Museum of Art, qui se consacre depuis 13 ans à l'Inde et à l'Himalaya, a décidé de sortir du carcan visuel traditionnel de la plupart des expositions pour solliciter plutôt les oreilles des visiteurs de "The World Is Sound" ("Le monde est son"), qui se tient jusqu'au 8 janvier 2018.
L'exposition présente quelques objets anciens, comme une trompette du XVIIIe siècle fabriquée avec un os de jambe humaine et utilisée lors de funérailles tibétaines, mais elle se concentre surtout sur le son en mettant à disposition des écouteurs, des panneaux tactiles ou encore en marchant sur un escalier en colimaçon haut de six étages.
Le temps fort de la visite est une représentation de "Om" (aussi "Aum"), mantra sanskrit sacré de l'hindouisme et du bouddhisme considéré comme le son originel symbolisant la naissance de l'univers.
En prévision de l'exposition, le musée a invité pendant des mois ses visiteurs à fredonner "Om" dans un petit studio d'enregistrement. Il a collecté 10.000 fichiers et, grâce à un logiciel, les a fondus ensemble pour faire un "Om collectif" d'une heure qui s'élève sans interruption dans une salle de méditation avec son en 3D.
L'espace intersidéral est, lui, totalement silencieux faute d'atmosphère pour porter les vibrations du son.
Mais les organisateurs de l'exposition ne se sont pas résignés et ont demandé à des artistes d'imaginer le son du Big Bang, cette soudaine expansion de matière qui a donné naissance à l'univers.
L'artiste d'origine taïwanaise C. Spencer Yeh, chargé de ce projet, a imaginé un trio de 45 voix numérisées prononçant les lettres "A", "U" et "M", qui s'entremêlent.
Voix de prédilection
Samita Sinha, née à New York (nord-est), a conçu une oeuvre à partir de la récitation de l'alphabet hindi. L'Américain Jules Gimbrone a enregistré plusieurs fois la lecture d'un texte à travers un bac d'eau salée de 1,2 mètre, jusqu'à ce que la voix soit rendue méconnaissable.
M. Yeh a indiqué avoir donné aux artistes des directives assez vagues pour leur mission d'imaginer le son de la création de l'univers. Il a confié sa surprise lorsqu'il a réalisé que la plupart avaient choisi d'utiliser la voix.
La compositrice expérimentale américaine Pauline Oliveros, décédée en novembre 2016 à 84 ans, est également présente. Elle est une pionnière de la musique minimaliste et de la musique électronique.
Autre interrogation de l'exposition: le son n'étant qu'une affaire de vibrations, est-ce que la musique a une pérennité?
La fugacité du son ressort en particulier dans la tradition funéraire tibétaine. Les visiteurs peuvent s'allonger sur un banc pour écouter la lecture du Bardo Thödol, ou "Livre tibétain des morts", qui décrit des expériences vécues dans les limbes entre la mort et la renaissance.
Le livre encourage l'auditeur à canaliser l'énergie positive et le prévient que s'aventurer vers l'obscurité pendant l'état transitoire peut être de mauvais augure pour son voyage vers sa nouvelle vie.
"Nous partons du principe que la musique peut nous faire pleurer, et peut nous faire rire, et peut nous faire danser, et peut nous faire avoir des relations sexuelles, et peut nous faire aller dans un stade avec 100.000 personnes pour nous époumoner", relève le chanteur américain Moby, connu pour son électro sombre, dans un entretien faisant partie intégrante de l'exposition.
"La chose fascinante avec le son est qu'il n'a jamais été créé", ajoute-t-il. "Il n'existe pas de son matériel".
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