Les 20, 21 et 22 juin, le ballet du Capitole dansera pour la première fois à Paris, un "passage inévitable, capital" mais surtout un "acte important de reconnaissance" de l'ensemble toulousain devenu deuxième ballet de France, souligne son directeur depuis août 2012.
Au Théâtre des Champs-Elysées, Kader Belarbi présentera son "Corsaire", créé en 2013 en "épurant un maximum" les costumes et le décor "pour que la danse soit pleinement existante et évidente" à la manière d'un "sculpteur ou d'un peintre".
"La danse classique dès qu'on lui enlève cette vitrine, cet apparat que sont les couches merveilleuses, on fait apparaître la parole de la danse, on en revient à l'incarnation authentique du geste dansé", explique l'ancienne étoile de l'Opéra de Paris, dans un entretien à l'AFP.
"La ringardise, je n'en veux plus", lance le danseur de 52 ans, retraité à 46 ans et demi. "Autant dire les choses avec facilité et incarnation plutôt que d'être bloqué dans un scaphandre d'antan", dit-il.
"Quand je refais un Corsaire, un Giselle ou un Don Quichotte, je ne veux pas reprendre des codes archaïques mais au contraire effacer certaines choses auxquelles je ne crois plus, comme la pantomime vieillotte, et le remettre dans l'actualité, au goût du jour".
"Le ballet ne reste pas inscrit dans le 19e siècle", s'insurge l'élève de Rudolf Noureev, qui veut "vraiment travailler sur la perception" du ballet en France.
"Qu'on enlève tous les préjugés: les velours, la dorure, les filles sont légères, les mecs sont des pédés, le ballet c'est kitsch, le ballet c'est mièvre. Avec toute ma génération, on a essayé de démystifier le ballet mais ça continue encore aujourd'hui", regrette-t-il.
Et "qu'on arrête de dire danse classique", proteste encore le quinquagénaire qui veut rajeunir le public. En France "dès qu'on dit classique, on est un vieux con, ça me révolte", poursuit-il, "le ballet travaille à partir d'un académisme, mais ce n'est pas qu'une image classique, c'est bien autre chose".
'grand écart'
Belarbi a "l'impression d'être le petit Kirikou tout vaillant qui prend tout le monde dans ses bras et qui court très très vite" pour créer "une évolution ou une émulation" chez les 35 danseurs de 14 nationalités que compte le Capitole et leur faire faire "un grand écart" sur la programmation pour empêcher l'"usure du public".
Pour le chorégraphe d'origine algérienne, ces bientôt cinq saisons à la tête du ballet toulousain ne "sont pas une finalité, au contraire, ce n'est qu'une première pierre posée pour ouvrir une autre voie".
"Je travaille sur un ballet vivant d'aujourd'hui, cela demande une patience absolue, mais c'est ce vers quoi je voudrais aller, je suis un conquérant, Abd-el-Kader, je le connais, c'est moi", sourit Belarbi, en référence à son propre prénom et à l'émir algérien qui résista au colonialisme.
Sa bataille, il entend aussi la mener sur le terrain de la culture, car "comme l'alexandrin de la comédie française, on ne sait plus comprendre la danse classique par manque de culture".
"J'ai l'impression qu'il faut être gourmet aujourd'hui pour pouvoir apprécier la danse classique", renchérit-il, "c'est là mon devoir en tant que chorégraphe et directeur, de ne pas jouer aux Macarons Ladurée et de (...) désacraliser", ajoute l'ex-étoile, dont "la danse est la religion".
La danse "n'est pas muséale, c'est ma devise". Belarbi espère même un jour ou l'autre, pourquoi pas, "faire un festival de vieux", "chorégraphier des maturités" et remonter lui-même sur scène. Car "on reste danseur jusqu'à la fin de ses jours: c'est un truc qui ronge le bide, le coeur et la tête".
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