Les chiffres officiels, imprécis car certains combattants ont gagné les zones de jihad puis en sont revenus sans attirer l'attention, estiment à cinq à six mille (sur un total d'environ 27.000 combattants étrangers) le nombre de ressortissants ou de résidents de pays de l'UE à avoir pris le chemin de la Syrie ou de l'Irak, le plus souvent via la Turquie.
Selon le coordinateur de l'Union européenne contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, "entre 2.000 et 2.500" Européens ou résidents de pays de l'UE encore sur place, sont susceptibles, alors que le groupe État islamique (EI) perd régulièrement du terrain dans les deux pays où il avait proclamé son "califat", de rentrer.
"Les chiffres les plus récents suggèrent que sur le total de combattants étrangers européens, 15 à 20% sont morts sur place, 30 à 35% sont déjà rentrés et environ 50% sont encore en Syrie et en Irak", écrivait-il dans un rapport récent.
Si le retour dans leurs pays d'origine de certains semble acquis, d'autres resteront "dans des poches de résistance dans des pays voisins ou voyageront vers d'autres zones de conflit", estime M. de Kerchove.
Intervenant en mars devant le groupe de réflexion londonien Chatham House, le commissaire européen chargé de la sécurité, Sir Julian King, estimait que "la menace va rester à un niveau élevé dans les mois et les années à venir (...) avec la probabilité que des combattants terroristes étrangers tentent de rentrer dans l'Union européenne, certains avec l'intention de planifier et d'exécuter de nouvelles attaques".
"Les plus malins"
Selon un décompte des bureaux européens de l'AFP, à partir d'estimations officielles, environ 1.500 jihadistes sont déjà rentrés dans leurs pays d'origine ou de résidence, dans lesquels ils sont le plus souvent emprisonnés, toujours placés sous une surveillance plus ou moins étroite et parfois inclus dans des programmes de déradicalisation, dont personne à cette heure ne peut avoir la certitude qu'ils atteignent leur but.
Le premier écueil est de parvenir à évaluer la dangerosité de ceux que le journaliste français David Thomson a baptisé dans son livre-enquête "Les revenants", en commençant par déterminer ce qu'ils ont fait en terre de jihad.
"Le problème, c'est que quand ils rentrent et qu'ils sont interrogés, ils disent tous qu'ils étaient infirmiers", dit David Thomson à l'AFP. "La grande difficulté pour la justice, c'est d'avoir des éléments matériels pour prouver ce qu'a fait un individu sur le sol syrien. Les plus malins, souvent les plus dangereux, n'ont jamais posté quoi que ce soit de leurs activités sur les réseaux sociaux".
"Donc en France, la règle est la prison, pour des peines de plus en plus longues: on décale le problème dans le temps, faute de savoir quoi faire pour l'instant", ajoute-t-il.
Dans les pays de l'UE, les "revenants" sont d'abord arrêtés, interrogés, soumis à enquête.
Tous les pays ont introduit dans leurs législations des chefs d'inculpation spécifiques: "appartenance à une organisation terroriste", "activité terroriste" ou "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste".
Selon le décompte de l'AFP, il y a actuellement en Allemagne environ 280 revenants (sur 820 départs), au Royaume-Uni environ 450 (sur 850 départs), en France environ 210 (sur un millier de départs), aux Pays-Bas 45 revenants (sur au moins 280 départ), en Belgique environ 120 (sur environ 280 départs), en Norvège une quarantaine (sur une centaine de départs), en Suède environ 150 revenants (sur environ 300 départs), en Finlande une vingtaine de retours (sur 80 départs) et au Danemark environ 70 revenants (sur au moins 145 départs).
Politique de fermeté
En Autriche, les autorités estiment que sur les 300 apprentis-jihadistes partis (au moins la moitié sont d'origine tchétchène), une quarantaine a été tuée et une cinquantaine arrêtée à leur retour.
"Il y a deux conséquences pour les combattants autrichiens rentrant de Syrie" a indiqué à l'AFP Karl-Heinz Grunboeck, porte-parole du ministère de l'Intérieur. "La première, c'est une inculpation pour appartenance à une organisation terroriste. Un éventuel passé criminel sera également examiné. Puis, ils seront soumis à une surveillance policière, pour évaluer les risques qu'ils pourraient représenter".
Pour Phil Gurski, chercheur au Centre international pour le contre-terrorisme de La Haye, "en plus des risques d'implication des combattants étrangers dans des actions terroristes, les États ne savent pas vraiment quoi faire de ceux qui vont revenir".
"Certains vont rentrer traumatisés, certains blessés, d'autres voudront renier l'EI et ses méthodes barbares mais certains pourraient avoir gardé la volonté de radicaliser leur entourage", ajoute-t-il.
Faute d'une politique ou d'une directive commune aux pays de l'UE, les gouvernements appliquent une politique de fermeté, avec emprisonnement dès que des charges suffisantes peuvent être étayées, comparution en justice et surveillance policière.
Quelques expériences tentent de jouer la carte du dialogue. Ainsi la ville danoise d'Aarhus a entamé dès 2007 un programme de réhabilitation, à base de mesures d'accompagnement, afin d'aider les jihadistes de retour ou ceux qui auraient eu la volonté de partir à trouver un emploi, une formation et un logement.
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