A la naissance de son enfant, Robin, 33 ans, avait tout organisé pour être à la maison avec sa compagne dès la sortie de la maternité. Mais c'était sans compter sur la réaction de son chef de service à sa demande de congé paternité: "Tu ne veux pas plutôt le prendre à la fin de ton contrat? En juillet, ça ne m'arrange pas que tu sois absent".
"Déboussolé car c'était la première fois qu'on lui en faisait la demande", son supérieur met "la pression" sur Robin, à l'époque en CDD, pour qu'il le repousse. "Je n'ai pas du tout apprécié son attitude", témoigne à l'AFP ce cadre.
Instauré en 2002, le congé "de paternité et d'accueil du jeune enfant", onze jours consécutifs pour une naissance simple et 18 jours pour une naissance multiple, vient compléter le congé de naissance obligatoire de trois jours. Optionnel et indemnisé par l'Assurance maladie en fonction du salaire, il est pris par environ sept pères sur dix.
Trop court, parfois mal perçu dans les entreprises, moins incitatif que dans d'autres pays européens: il est aujourd'hui critiqué autant par les hommes, qui le trouvent inégalitaire, que par des femmes, qui aimeraient ne pas être seules à gérer une naissance dans le foyer.
"On ne parviendra pas à gommer les inégalités femmes-hommes si on écarte à ce point les pères", estime Robin, jugeant que "les mecs ne se sentent pas autant investis, parce qu'ils n'ont pas le temps pour s'occuper pleinement du bébé".
"Plaidoyer"
Sur internet, une pétition lancée récemment pour demander son allongement à quatre semaines connaît un certain succès avec près de 52.000 signatures, à l'approche de la fête des pères dimanche.
"Le congé paternité concrétise le moment où on devient père mais c'est trop court", explique l'auteur de ce "plaidoyer", Naro Sinarpad (pseudonyme), un informaticien de 30 ans qui dénonce les cas où ce "moment important" dans la vie peut devenir "un vrai casse-tête".
Depuis des années, l'association SOS Préma milite pour que "comme en Suède, le père soit vraiment impliqué à la naissance" et demande "un congé spécifique" pour les pères d'enfants hospitalisés. "On en voit qui perdent leur travail, surtout des commerciaux parce qu'ils ne font pas leur chiffre", déplore à l'AFP Charlotte Bouvard, sa directrice.
Dans une note publiée en janvier, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) recommandait de le rendre obligatoire et de le doubler, voire l'allonger à six semaines.
Selon l'Observatoire, qui a calculé qu'il coûtait 274 millions d'euros annuels contre trois milliards d'euros pour le congé maternité, le doter de "plus de dépense publique" permettrait de "réduire les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes".
"Le congé paternité n'est pas qu'une question individuelle, c'est aussi une question sociale", explique à l'AFP l'économiste Hélène Périvier, auteure du rapport, pour qui l'obliger "c'est éviter des effets discriminatoires de l'employeur sur l'employé et partager de façon plus égalitaire les rôles sociaux des parents".
La mesure n'est pas au programme du nouveau gouvernement. L'obligation n'est pas toujours efficace "car elle peut donner le sentiment d'une intrusion dans la vie personnelle", explique à l'AFP Marlène Schiappa, secrétaire d'État en charge de l'égalité femmes-hommes.
Selon elle, il faudrait "déjà mieux communiquer sur l'existant" car les "normes masculines du pouvoir dans la culture du travail empêchent encore certains hommes de prendre des jours enfant malade ou un congé parental".
En février, un allongement du congé paternité à 14 jours avait été votée en première lecture à l'Assemblée nationale mais les élections ont interrompu le processus législatif.
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