QUESTION: Comment expliquer que selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne âgée sur dix soit confrontée chaque mois à la maltraitance?
REPONSE: "La maltraitance des personnes âgées est très fréquente et, paradoxalement, elle est méconnue, voire taboue. Une personne sur dix, c'est le minimum, car les cas sont largement sous-déclarés. Tout le monde est mal à l'aise quand on aborde ce sujet et il est minimisé. Il est insupportable qu'on banalise la maltraitance à l'encontre des personnes handicapées, des enfants ou des personnes âgées, toutes celles qui dépendent d'un autre. La plupart des gens pensent tout de suite aux maltraitances physiques, heureusement rares même si elles existent, mais il y a d'autres formes de maltraitance : les violences psychologiques, qu'on peut subir à domicile, en institution, ou même au quotidien dans la société, la négligence, qui n'est pas forcément intentionnelle mais peut avoir des conséquences très graves, ou encore des abus financiers ou des escroqueries. Souvent c'est la famille, beaucoup plus que les escrocs, qui est impliquée dans ces cas-là.
Q: Comment peut-on mieux la repérer et y remédier ?
R: Comme pour les enfants, l'évitement, la peur de l'autre, des bleus, des brûlures de cigarettes ou des fractures bizarres sont des signes. En tant que médecin, notre mission est d'être en éveil et dans la formation. Il nous faut dire que cela n'est pas normal, en parler davantage et insister sur le fait que faire un signalement n'est pas faire une dénonciation. Plus il y aura de signalements, mieux ça ira pour les personnes concernées. Il existe un numéro national, le 3977, pour en parler. Les victimes sont par définition vulnérables et dépendantes de ceux et celles qui les maltraitent. La maltraitance peut entraîner de graves traumatismes physiques et avoir des conséquences psychologiques à long terme. Les cas les plus signalés ont lieu au domicile, plus que dans les institutions. Parfois la personne maltraitante est elle-même maltraitée par le système, par la société. Le soin des personnes dépendantes est apporté à plus de 80% à domicile par la famille. Les Français n'abandonnent pas leurs vieux, au contraire ils s'en occupent beaucoup et c'est une tâche difficile.
Q: Qu'attendez-vous de cette journée de sensibilisation ?
R: Elle est primordiale pour faire prendre conscience à toute la société que ce problème existe. Chacun devrait pouvoir mener des actions: les Ehpad, les hôpitaux, les institutions, mais aussi les Caisses d'allocations familiales, les mairies et tous les lieux citoyens. La maltraitance des personnes âgées doit sortir du champ institutionnel pour devenir une question de société, tous les citoyens doivent s'impliquer. En France, il y a un vrai souci avec l'âgisme, la discrimination sur l'âge. On a une vision sociale structurée par le travail et souvent les personnes qui ne travaillent plus se sentent exclues, hors du coup. En France, ce n'est pas glamour, le vieux, et c'est ce regard qu'il faut aussi changer."
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