"Le journal de Myriam", c'est la guerre vue par une enfant, issue d'une famille chrétienne modeste, d'origine arménienne, dont la vie est bouleversée par des "choses de grand": les slogans révolutionnaires peints sur les murs, les manifestations contre le gouvernement, l'enlèvement de son cousin, le blocus, les combats...
"Quand la guerre a commencé, Maman m'a encouragé à écrire un journal quotidien. J'y mettais tout ce que je faisais pendant la journée. Je me disais qu'un jour je pourrai ainsi me souvenir de ce qui s'est passé", témoigne Myriam dans un entretien avec l'AFP.
Quand le journaliste français Philippe Lobjois entend parler en décembre 2016 de Myriam et de son journal intime, un cahier d'une cinquantaine de pages en arabe, il comprend que c'est l'occasion de faire raconter cette guerre de l'intérieur: développé et traduit en français, le Journal, couvrant la période novembre 2011-décembre 2016, vient d'être publié aux éditions Fayard.
Une des plus anciennes cités du monde, Alep regorgeait de trésors classés au patrimoine mondial de l'Humanité, avant de devenir le principal champ de bataille de la guerre en Syrie, jusqu'à la reprise des derniers secteurs rebelles par l'armée de Bachar al-Assad, appuyée par ses alliés russe et iranien, fin 2016.
"Alep, c'était un éden, c'était notre éden", écrit Myriam, une enfant qui aime dessiner et chanter et qui n'oubliera jamais les sinistres jours de mars 2013 où "les hommes en noir", des rebelles islamistes, ont contraint sa famille au départ.
"Je me suis réveillée un matin, j'ai entendu des objets qu'on brisait, des gens qui hurlaient +Allah Akbar+ (Dieu est le plus grand, en arabe). J'ai eu tellement peur, j'avais envie de vomir. Je tenais ma poupée serrée contre moi, je lui disais +N'aie pas peur, n'aie pas peur, je suis avec toi+", se souvient-elle.
Du sucre contre la peur
"J'ai couru mettre mes livres dans mon sac à dos, j'adore les livres, je ne peux pas m'en passer. J'ai enfilé deux anoraks l'un par-dessus l'autre, pour me protéger des balles perdues. Dans la rue, j'ai vu un homme à la barbe touffue, en djellaba noire, une arme à la main, j'avais très peur. Nous avons marché longtemps pour gagner un quartier plus sûr", à Alep-Ouest, la partie de la ville sous contrôle gouvernemental, régulièrement visée par des bombardements des rebelles.
"Ce qui me faisait le plus peur, c'était les missiles. Un soir, j'allais me mettre au lit lorsque le ciel est devenu rouge, avec un bruit assourdissant. Un missile était tombé dans la rue à côté de la nôtre. Pour nous calmer, on nous donnait du sucre, on nous disait que cela nous aiderait à ne plus avoir peur... Mais moi je trouvais que cela ne changeait rien! Nous nous sommes réfugiés chez une voisine, on m'a installé un matelas devant une baie vitrée, j'avais peur, j'ai peur des vitres, des éclats de vitres. Je suis belle, je ne veux pas être défigurée", plaisante-t-elle.
La capitulation des derniers rebelles en décembre 2016 a permis le retour à une certaine normalité, même si l'approvisionnement en eau et en électricité reste aléatoire.
"Nous n'avons plus peur que des bombes tombent sur nos têtes. Je reprends mon enfance, je recommence à jouer avec les enfants des voisins", se réjouit Myriam, le regard pétillant.
Depuis la fin des combats, elle n'est retournée qu'une seule fois dans son ancien quartier: "c'était comme si mon coeur reprenait vie. Tout était détruit, mais je me souvenais de tous les moments que j'y avais vécu. Il y avait comme un parfum de bonheur passé. Mais je ne retournerai pas y vivre".
L'adolescente, qui rêve d'être astronome car elle adore les étoiles, continue à écrire dans son journal: "c'est beau ce que je suis en train de vivre et je ne veux pas non plus l'oublier. Je me suis même endormie hier soir sur mon cahier!".
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