Le 16 avril 2015, l'ancien chef de service à l'hôpital Bichat de Paris avait nié tout lien avec des "acteurs économiques" face à une commission du Sénat qui le recevait pour évoquer le "coût économique et financier de la pollution de l'air".
Il avait auparavant juré de dire "toute la vérité, rien que la vérité", en levant la main droite.
En mars 2016, devant la même commission réunie à huis clos, il avait toutefois confirmé des informations révélées par Libération et Le Canard Enchaîné, à savoir qu'il touchait de 50.000 à 60.000 euros par an du groupe pétrolier Total depuis la fin des années 1990.
Cela lui vaut d'être jugé pour "témoignage mensonger", comme s'il avait menti devant un tribunal. Ce délit est passible de jusqu'à cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Le procès du pneumologue, qui avait été appelé à s'exprimer par les sénateurs en remplacement du directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, est une première à la fois parlementaire et judiciaire.
Le Sénat s'est constitué partie civile dans cette affaire, tout comme les deux organisations non gouvernementales Générations futures et Ecologie sans frontière.
Pollution et cancers
Lors de son audition, le pneumologue avait notamment déclaré que "le nombre de cancers dans les pathologies respiratoires (...) liées à la pollution est extrêmement faible".
Son avocat François Saint-Pierre plaidera la relaxe: "Il n'y avait pas de conflit d'intérêts entre son intervention au Sénat et ses fonctions de médecin du travail chez Total, il n'était pas impliqué dans la production industrielle."
Plus largement, il entend "critiquer durement" le fonctionnement même de ces commissions parlementaires.
"Si ce sont des organes politiques, il n'y a pas de serment. Mais s'il y a un serment, alors on peut attendre des membres qu'ils se comportent comme des magistrats, avec la même impartialité", a-t-il dit à l'AFP, rappelant que la rapporteure de la commission, la sénatrice écologiste Leila Aïchi, s'était publiquement émue d'un "mensonge (...) inadmissible."
Les ONG Générations futures et Ecologie sans frontière ont réclamé "des peines exemplaires" et souhaité que "ce procès soit le début d'une prise de conscience des méfaits des conflits d'intérêt dans le domaine de la santé".
A l'issue de ses travaux, la commission présidée par Jean-François Husson (Les Républicains) avait conclu que la pollution de l'air coûterait plus de 100 milliards d'euros par an à la France, en dépenses de santé, absentéisme dans les entreprises ou baisse des rendements agricoles.
Dans une autre affaire, autour de déclarations de Frédéric Oudéa, patron de la banque Société générale, sur les paradis fiscaux, le Sénat avait décidé au contraire de ne pas saisir la justice.
La chambre haute du Parlement avait estimé que des propos de M. Oudéa devant une commission d'enquête sénatoriale sur l'évasion de capitaux avaient "pu comporter une part d'ambiguïté", mais qu'ils n'étaient "pas susceptibles d'être qualifiés de faux témoignage au sens du droit pénal".
En 2012, le patron de la Société générale avait déclaré sous serment que sa banque avait fermé ses implantations dans les pays figurant sur la liste grise des paradis fiscaux, ainsi que dans les États jugés non coopératifs, comme Panama.
Or, la Société générale est l'une des banques épinglées l'an dernier dans le scandale des Panama Papers pour avoir ouvert près de 1.000 sociétés offshore via le cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca.
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