Elle a assisté dimanche au Grande Premio Brasil, la plus importante course hippique du pays au Jockey Club, lieu féérique au coeur de la ville, surplombé par la statue du Christ Rédempteur.
À première vue, la scène semble tout droit sortie des années 20, quand l'hippodrome a été construit. Les Années Folles, loin du chaos du Brésil actuel.
Dans un cadre aussi fastueux, difficile de s'imaginer que ce même pays traverse une crise politique et économique sans précédent, avec le président Michel Temer acculé par les scandales de corruption et un taux de chômage proche des 14%.
Sous un imposant chandelier, la crème de la crème de la haute société carioca savoure quelques instants de calme au milieu de la tempête.
Restrictions budgétaires obligent, les bulles pétillantes ont la teinte dorée de la bière, bien plus foncée que celle du champagne, mais les bouteilles sont maintenues au frais dans des seaux à glace argentés du meilleur effet.
Inégalités criantes
Teresa et ses amies ont sorti leurs plus beaux atours, entre robes haute couture, bracelets en or et montrent des signes de liftings pour gommer le passage des années.
Au milieu de l'après-midi, sept mannequins en longues robes aux motifs fleuris leur volent la vedette, histoire d'ajouter une touche de glamour dans le Salon des Roses.
Les invités, presque tous blancs, sont servis par un personnel pratiquement entièrement composé de Noirs, les femmes étant vêtues d'uniformes traditionnels de domestiques d'un autre temps.
Une vision qui résume à elle seule les inégalités criantes au Brésil, accentuées par deux ans de récession.
"Malgré tout ce glamour, notre ville a le pire taux de chômage du pays. Ça ne reflète pas la réalité de Rio", admet Flavio Duarte, spécialiste de technologies de l'information de 49 ans venu au Jockey Club pour faire plaisir à sa fille Luana, qui adore les chevaux.
Cedric Sa, ingénieur de 70 ans à la retraite, décrit cette réunion de notables comme "une sorte de carnaval pour riches".
"C'est bien pour oublier pour une journée toutes les choses mauvaises qui se passent dans notre pays", renchérit son épouse, Vera Sa.
Le couple est loin de tenir en haute estime le président Temer, pourtant souvent considéré comme une figure de l'establishment brésilien.
"S'il est chassé du pouvoir, la fête battra encore plus son plein ici", plaisante Cedric Sa.
VIP du Salon des Roses
Mais plutôt que de spéculer sur l'avenir politique incertain du pays, les spectateurs préfèrent parier sur les chevaux prêts à s'élancer sur la piste de 2,4 kilomètres de l'hippodrome, au pied du Christ Rédempteur.
"C'est une des plus belle pistes au monde", admire John Fulton, représentant de la Breeders' Cup, prestigieuse compétition internationale dont la prochaine édition aura lieu en novembre en Californie.
Au-delà du glamour, l'aspect sportif est aussi important: le Grande Premio Brasil est une des cinq courses d'Amérique Latine qui compte pour les qualifications de la Breeders' Cup.
Mais la récession, comme dans beaucoup de secteurs, a aussi porté un rude coup au potentiel du Brésil dans les sports hippiques: 2.000 pur-sangs y naissent par an, contre 3.000 avant la crise.
La petite Argentine voisine, à titre de comparaison, en produit près de 8.000 par an, rappelle John Fulton.
Cela n'a pas empêché les tribunes du Jockey Club de faire le plein pour voir l'outsider Voador Magee l'emporter, au grand dam de ceux qui avaient misé pour le favori No Regrets.
Pas de regrets pour les VIP du Salon des Roses, même si ce résultat montre que toute prévision sur l'avenir du Brésil reste un pari risqué.
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