Comment encadrer cette "majorité obèse" de plus de 400 députés, selon l'expression d'une source parlementaire socialiste ? Porte-t-elle en son sein les ferments d'une fronde inévitable ou dessine-t-elle les contours d'un exécutif tout puissant servi par une Assemblée aux ordres ?
Dans les rangs de la République en marche, on balaye les réserves nées de l'énorme renouvellement à venir au Palais-Bourbon à l'issue du second tour des législatives dimanche. Et l'on se prépare plutôt à canaliser cette vague qui doit permettre à M. Macron de mettre en oeuvre ses réformes.
Accompagnés sur le plan administratif et opérationnel durant la campagne, les futurs députés le seront aussi pour leurs premiers pas dans l'hémicycle.
"On sera un peu les bizuths de l'Assemblée nationale, il faut être tutorés", admet ainsi Mireille Clapot, arrivée en tête dans la première circonscription de la Drôme.
"Il y aura un accompagnement, on ne s'improvise pas député. Mais tout le monde a bien dû commencer un jour", se rassure Prisca Thévenot, candidate dans la quatrième de Seine-Saint-Denis.
Ainsi, une journée de séminaire de formation avant l'ouverture de la législature le 27 juin est en préparation et la plateforme informatique créée pour les candidats aux législatives sera alimentée en détails pratiques et conseils pour les impétrants.
S'ils seront également épaulés par le personnel de l'Assemblée, des administrateurs aux agents, l'inexpérience des "marcheurs" laisse circonspecte une source parlementaire. "Les nouveaux, ils connaissent pas les règles. C'est pas la démocratie participative, l'Assemblée", grince cette source.
"On nous dit pas compétents mais on ne voit pas ce qu'on a accompli depuis 9-10 mois. On sera bien plus opérationnels que ce que vous pensez car on a de très beaux profils", rétorque Alexandre Aidara, référent départemental en Seine-Saint-Denis et candidat dans la 6e circonscription.
"Il faut un mois pour appréhender le processus législatif", estime cet énarque, ancien membre du cabinet de Christiane Taubira. "On nous dit qu'il faut un mandat pour comprendre mais c'est une intox des vieux partis", insiste-t-il.
Des marcheurs pas "godillots"
Cette inexpérience, c'est aussi "la promesse d'aborder différemment la fonction de député", ajoute Arnaud Leroy, porte-parole de la REM, appuyé par Jean-Paul Delevoye, président de la Commission d'investiture (CNI), qui "souhaite que ces nouveaux députés amènent des nouvelles pratiques parlementaires".
Dans les faits, ceux-ci "devront faire de l'évaluation des politiques publiques plutôt que des lois et des amendements en permanence", selon Christine de Veyrac, autre membre de la CNI.
C'est dans cette feuille de route, tracée par M. Macron, que doit s'exercer le véritable contre-pouvoir de l'Assemblée sur l'exécutif alors que droite et gauche brandissent la menace d'une opposition réduite à néant.
Ces députés, qui ont pourtant signé une "charte d'adhésion au projet présidentiel", ne seront pas "disciplinés +godillots+, ça ne va pas pour des marcheurs", plaisante en retour le sénateur François Patriat.
"Oui, nous avons une personnalité, oui, nous avons une réflexion, oui, nous allons challenger le gouvernement, puisque c'est le rôle des élus de contrôler l'action du gouvernement", abonde Laetitia Avia, candidate dans la 8e circonscription de Paris, sur franceinfo.
Jean-Paul Delevoye s'attend, lui, à un "choc" entre les initiatives des nouveaux venus et "l'administration". "Ca va être intéressant, il va falloir être contestataire créatif", prédit-il.
Quant au risque de fronde, comme celle qui a marqué la fin du mandat de François Hollande, il faut arrêter de "regarder le futur quinquennat avec les lunettes de l'ancien", balaye le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, un des premiers soutiens de droite d'Emmanuel Macron.
"Politiquement, ça va péter car il n'y a pas de corpus idéologique", prophétise pourtant une source parlementaire, jugeant que "des ambitions vont se révéler" durant la législature.
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