Ce jour-là, il est accueilli par des centaines de personnes à Tver, à 160 kilomètres de Moscou, sur la Volga. "Nous pouvons gagner les élections!", lance-t-il à la foule. "Nous pouvons gagner parce que la majorité est avec nous".
A 41 ans, l'opposant s'attaque aux puissants dans ses vidéos anticorruption partagées par des millions d'internautes et a fait descendre une nouvelle génération dans la rue.
Pendant que Vladimir Poutine refuse pour l'instant d'officialiser sa candidature à la présidentielle de mars prochain, Alexeï Navalny multiplie les déplacements en province pour ouvrir des bureaux de campagne. Son objectif: réunir les 300.000 signatures nécessaires pour se présenter en dépit des multiples embûches.
Alors qu'il s'adresse à ses partisans, son oeil droit reste mi-clos, conséquence d'une agression au colorant vert qui a nécessité un traitement en Espagne. Il est aussi encadré par deux hommes à la carrure massive qui semblent assurer sa sécurité.
Il assure dire "des choses banales" mais sans "peur de les dire à haute voix": "des dizaines de millions de nos concitoyens vivent dans le dénuement alors que l'Etat dispose d'une richesse colossale", dénonce-t-il.
Mobilisation et arrestations
Depuis qu'il s'est fait connaître par ses discours enflammés lors des manifestations accompagnant le retour au Kremlin de Vladimir Poutine en 2012, Alexeï Navalny s'est imposé comme son premier opposant.
Evoqué à la télévision publique uniquement sous un jour négatif, il se sert de YouTube, Twitter et Instagram pour s'adresser aux électeurs. Il multiplie aussi les apparitions publiques, un exercice auquel cet avocat de formation excelle.
Il a été la cible de nombreuses agressions mais aussi de plusieurs poursuites judiciaires, dont l'une a abouti à l'emprisonnement de son frère, visant selon ses partisans à entraver ses ambitions.
Il a été condamné à une peine de prison avec sursis cette année pour détournement de fonds, ce qui pourrait légalement l'empêcher de se présenter.
"Nous ne pouvons que les forcer à enregistrer ma candidature", insiste-t-il devant son public. "C'est évident que Poutine ne veut pas venir débattre avec moi".
Sa campagne commence pourtant à donner du fil à retordre aux autorités. En mars, l'une de ses vidéos accusant le Premier ministre Dmitri Medvedev de corruption a fait descendre dans la rue des milliers de personnes en plein centre de Moscou et dans des dizaines de villes.
Une telle mobilisation, marquée par un millier d'arrestations dans la capitale, n'avait plus été vue depuis plusieurs années et l'opposant espère répéter ce succès lundi avec de nouveaux rassemblements dans plusieurs villes du pays et dans le centre de Moscou.
Les dernières manifestations ont été marquées par la présence de nombreux jeunes, parfois encore adolescents, qui n'ont connu que Vladimir Poutine au pouvoir.
"Je veux vivre dans un pays libre, je veux une presse libre et une liberté d'expression", explique Ilia, étudiant en journalisme de 20 ans venu soutenir l'opposant à Tver.
'Conservateur modéré'
A son QG de campagne à Moscou, Sergueï, un étudiant de 20 ans, se demande comment Alexeï Navalny trouve la force de continuer: "Il reste de bonne humeur alors que son frère est en prison et qu'il y a tout le temps des perquisitions chez lui..."
Les propriétaires de ce local cherchent d'ailleurs à se débarrasser de ce locataire encombrant, allant jusqu'à changer les serrures ou couper l'électricité.
Son directeur de campagne à Moscou, Nikolaï Liaskine, met en cause les autorités. "Nous ne partirons pas", martèle-t-il.
L'opposant n'en est pas à sa première campagne et avait créé la surprise en 2013 en arrivant deuxième à l'élection municipale à Moscou.
Ses opinions ont pourtant parfois créé un certain malaise parmi les libéraux. Dans le passé, il a participé à des manifestations également soutenues par des néo-nazis et a pris position en faveur de restrictions importantes à l'immigration des ex-républiques soviétiques d'Asie centrale, à majorité musulmane.
"Quand nous nous sommes rencontrés, c'était un nationaliste russe modéré", concède l'activiste Olga Romanova, le comparant à la française Marine Le Pen. Mais selon elle, il a "changé assez sérieusement" et est devenu "un conservateur modéré".
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