Guy Lamorlette, 76 ans, créateur et gérant de la société, et Laurent Appéré, 46 ans, son responsable qualité, sont poursuivis notamment pour "blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité" et "tromperie sur une marchandise entraînant un danger".
D'emblée, la présence en fauteuil roulant de Nolan, 7 ans, touché à deux ans par des lésions neurologiques ayant limité grandement sa motricité et ses capacités intellectuelles, a donné une tonalité grave au procès. Ses légers râles ont ponctué la journée.
L'ambiance s'est encore alourdie à la description scrupuleuse par la présidente des Syndrômes hémolytiques et urémiques (SHU) développés par les autres consommateurs de ces steaks en juin 2011, en majorité des enfants. Ils ont tous subi de nombreuses hospitalisations et gardent souvent des séquelles aux reins.
"J'ai juste envie de pleurer. Ca m'a aussi un peu détruit cette affaire, j'ai développé une maladie...", s'est ému Laurent Appéré, le visage rougeaud encadré par des cheveux mi-longs, mardi à la barre.
Au centre de la médiatique affaire, née en juin 2011 avec une quinzaine de signalements de l'Agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais, la souche 0157H7, l'une des variétés de la bactérie E.coli.
Entre autres manquements, les deux prévenus sont soupçonnés d'avoir délibérément décidé de ne pas diligenter d'analyse spécifique à cette souche particulièrement dangereuse lorsque, sur les lots mis en cause, ils ont été confrontés à une concentration bien plus élevée que le seuil règlementaire de la bactérie E.coli: 770 germes contre 500.
Risque zéro
"Si on avait su qu'il y avait de l'E.coli0157H7, on n'aurait pas mis les steaks sur le marché", a assuré Guy Lamorlette. "Nous n'étions pas une entreprise qui depuis 20 ans travaillait comme ce qui est décrit, avec les volumes que nous avions. Nous étions une entreprise sérieuse".
Une experte du ministère de l'Agriculture résume la complexité de l'affaire: "Certes, dans les règlements européens, il n'est pas obligatoire de faire une analyse systématique à l'0157H7. Mais les risques de cette souche sont connus depuis longtemps, et (les contrôler) était dans le Plan de maîtrise sanitaire (PMS) de l'entreprise", qui lui a permis d'avoir l'agrément des services vétérinaires de l'Etat.
Infraction agravante, la société a unilatéralement modifié son PMS début 2011 sans en référer à l'Etat. Résultat, elle ne s'astreignait plus à des contrôles systématiques, mais aléatoires.
"Il faut s'imaginer ce que c'est, un camion avec 800 blocs de viande. S'il y en a 20 de contaminés, comment les trouver?", a fait valoir Laurent Appéré. "Là le camion devait repartir en production, sinon on fermait l'usine. Donc on analyse toujours de façon aléatoire".
"Par contrainte de temps, parfois, vous ne faites pas les contrôles et hop!, vous faites passer la marchandise quand même?", demande un avocat des parties civiles. "Oui", lâche Laurent Appéré, à la consternation de l'assistance.
La contrainte économique, selon laquelle l'entreprise était dépendante à entre 50 et 70% des commandes de Lidl, partie civile, pourrait faire des débats "le procès de la filière bovine et de la grande distribution", a d'ailleurs noté auprès de l'AFP Me Marion Giraud, avocate de l'UFC-Que Choisir, partie civile.
"On parle de la possible mort d'un être humain, vous ne trouvez pas qu'il y a un fossé avec votre explication sur les camions?", demande cependant la présidente, agacée, à Laurent Appéré.
"Le risque zéro n'existe pas malheureusement", rétorque-t-il. "Il y a déjà eu, par le passé, des rappels de steaks mis sur le marché, ce sont des choses qui arrivent..."
Les parties civiles seront auditionnées mercredi, tandis que le réquisitoire aura lieu jeudi matin, avant les plaidoiries de la défense.
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