Son rival travailliste Jeremy Corbyn, 68 ans, s'est en effet révélé un adversaire coriace et performant, menant une campagne de proximité sur des thèmes qui touchent de près les électeurs --santé, aide sociale, inégalités-- tandis que Mme May, 60 ans, évitait la confrontation d'idées et limitait le contact.
Du coup les sondages ont drastiquement resserré la marge entre les deux partis, passant de 20% d'écart début mai à 9%, selon une récente moyenne des consultations. Et les militants sur le terrain sentent la différence.
Trois attentats sanglants, à Manchester et Londres, en moins de trois mois, ont terni la campagne, sans qu'il soit évident dans l'immédiat de déterminer si ces drames vont influencer le vote et comment. Le dernier, samedi, à cinq jours du scrutin, a fait sept morts et des dizaines de blessés à Londres.
Actuellement, les conservateurs ont une majorité de 17 sièges. Ils espèrent la porter entre 50 et 80 afin que Theresa May puisse négocier la sortie de l'Union européenne avec les coudées franches et ses arrières assurés.
"A moins de 50 sièges d'avance, ce sera considéré comme une très mauvaise performance pour elle", dit à l'AFP Iain Begg, politologue de la London School of Economics. "Elle va sans doute gagner mais beaucoup moins qu'elle ne le pensait en convoquant les élections", souligne-t-il.
'Perception modifiée'
La cheffe du gouvernement a commis plusieurs erreurs lors de sa campagne: elle a dû rétropédaler sur l'une des mesures de son programme prévoyant d'augmenter la contribution des seniors aux soins de santé, sujet ultra-sensible touchant au porte-monnaie. Et défiée par Jeremy Corbyn de participer à un débat télévisé, elle a décliné la confrontation.
Paul Howell, candidat conservateur dans le Yorkshire (nord), reconnaissait en marge d'une récente visite de Mme May à Guisborough que sa volte-face sur les budgets sociaux avait semé le trouble. "Cela a modifié la perception" de la campagne conservatrice, disait-il à l'AFP.
Le Labour a pioché des voix tant auprès des partisans que des opposants au Brexit, relève le spécialiste en sondages John Curtice, montrant que la conduite des négociations avec l'UE "ne sera pas nécessairement la seule question dans l'esprit des électeurs lorsqu'ils se prononceront le 8 juin".
"Ce qui compte, c'est la répartition des richesses", disait ainsi à l'AFP la semaine dernière un électeur de Basildon (est de Londres), Dan Kattal, un Brexiter d'une cinquantaine d'années, lors d'une visite de Jeremy Corbyn. "Corbyn, c'est quelqu'un de très honnête. Et au final, c'est ce qui compte en politique", ajoutait-il.
Les volte-face de Mme May ont fait l'objet d'une chanson à succès, "Liar liar" ("menteuse menteuse)", du groupe Captain Ska, qui s'est hissée à la 4e place des ventes à quelques jours du scrutin.
L'ambiance a ainsi changé par rapport à la mi-avril, lorsque Mme May, au mépris de ses engagements, annonçait sa décision d'anticiper un scrutin prévu en 2020.
Corbyn meilleur que prévu
Les travaillistes étaient à ce moment-là au plus bas dans les sondages, Jeremy Corbyn était raillé de toutes parts pour ses idées radicales et pacifistes et cible de rébellions successives au sein de son parti, les députés désespérant d'arriver au pouvoir avec un tel chef.
Mme May ne pouvait rêver meilleur adversaire. Elle a ainsi usé et abusé pendant sa campagne de cet argument: "Il n'est pas à la hauteur", affirmant être la seule à pouvoir mener de façon stable et sûre les négociations de sortie de l'Union européenne, votée par 52% des Britanniques le 23 juin 2016.
Mais Jeremy Corbyn a déjoué les pronostics. Un éditorialiste du Times (conservateur), Philip Collins, relevait candidement vendredi : "Il n'y a aucun doute, le Labour a fait une bonne campagne (...) le crédit en revient aussi à Jeremy Corbyn, qui a été bien meilleur que je ne l'attendais".
En marge de ce duel, les nationalistes écossais du SNP espèrent préserver leur écrasante domination au Parlement de Westminster -- 56 sur 59 sièges attribués à l'Ecosse actuellement-- pour continuer à prôner un nouveau référendum d'indépendance. Et le parti libéral-démocrate, farouchement europhile, espère améliorer son faible score de 9 députés.
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