- Conflit d'intérêts, définition
La notion a été définie dans la loi en 2013 comme "toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction".
Il est normal d'avoir des liens d'intérêt, mais les responsables publics doivent prendre des précautions, souligne la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui recueille les "déclarations d'intérêts et d'activités" des parlementaires. Puissant levier préventif: elles sont publiques.
L'intérêt peut être direct (activité professionnelle) ou indirect (du conjoint), privé (détention d'actions), public (autre mandat électif), matériel (une rémunération) ou encore moral (activité bénévole ou honorifique). Le conflit d'intérêts, qui relève de la déontologie, "n'est pas une infraction pénale" type trafic d'influence ou prise illégale d'intérêts, même si les deux peuvent partir d'une même situation, explique une source parlementaire.
- Quelles règles actuellement pour les députés?
Le cumul de certaines fonctions est interdit: fonctionnaire, direction des sociétés bénéficiant de subventions étatiques, "ayant principalement un objet financier" ou exerçant certaines activités immobilières... Est aussi interdit de démarrer une activité de conseil (en affaires publiques, lobbying...) en cours de mandat. Et à partir de cette année, présidence ou vice-présidence d'une société d'économie mixte, d'un établissement public local (déchets, eau...) ou d'un organisme HLM.
Les autres activités sont libres et environ 10% des parlementaires étaient en 2014 rémunérés dans le privé (plus de 100.000 euros annuels pour une vingtaine d'entre eux). Les députés doivent respecter un code de déontologie, mais les sanctions ne sont pas au rendez-vous. Et la HATVP n'a pas de pouvoir d'injonction à leur égard, au nom de la séparation des pouvoirs.
- Les cas Fillon ou Ferrand
La société de conseil de François Fillon, créée une dizaine de jours avant le début de son mandat en 2012, avait réémergé durant la présidentielle, alors que le candidat LR n'avait dévoilé les noms que de quelques clients, dont Axa.
Pour sa part, Richard Ferrand, élu en 2012, est resté directeur général des Mutuelles de Bretagne jusqu'en 2013, puis "chargé de mission" (1.250 euros mensuels) jusque fin 2016. Or il a en début de mandat cosigné et défendu une proposition de loi PS pour que les mutuelles mettent en place des réseaux de soins.
L'élu du Finistère n'avait pas fait connaître son travail parallèle. "Devais-je m'abstenir de défendre un principe pertinent et dans le sens de l'intérêt général?", se défend Richard Ferrand, citant les médecins et le budget de la Sécu ou les ex-agriculteurs et les sujets agricoles.
- Que prévoit le gouvernement?
Le ministre de la Justice a prévenu: il ne s'agit pas d'interdire à un député parent d'élève de s'intéresser à l'Education nationale, car ça n'est "pas un conflit d'intérêts" mais relève de l'"intérêt général". Pas non plus question de se priver de l'expérience des futurs députés, vraisemblablement nombreux de la "société civile" et devant représenter la Nation.
Le projet de loi posera de nouveaux garde-fous. Assemblée et Sénat devront tenir un "registre des déports": comme parfois au Parlement européen et dans certaines collectivités, les élus pourront déclarer leur intérêt problématique et ne pas participer à certains votes.
En outre, l'activité de conseil sera mieux encadrée, y compris pour les avocats: si celle-ci a été lancée moins d'un an avant son élection, le parlementaire ne pourra pas continuer à l'exercer pendant son mandat. Il sera prohibé, comme ailleurs en Europe, d'assumer des activités de conseil auprès de sociétés qu'un parlementaire ne peut diriger (travaux publics...).
- Stop ou encore?
Les débats parlementaires promettent d'être nourris. Le "registre des déports" sera "très complexe dans la pratique", selon un député de gauche. A l'extrême, comment ne pas avoir d'intérêt sur un texte aussi vaste que le budget, s'interroge un autre. "Qui fera de la politique avec une suspicion permanente à l'égard de toute décision?", abonde Bernard Debré (LR).
Plusieurs parlementaires et l'ONG Transparency plaidaient pour une simple obligation de "déclaration orale des intérêts" avant un vote - sachant que le déport ne peut être obligatoire, au regard du libre exercice du mandat.
A l'inverse, la fondation Terra Nova, classée à gauche, suggérait récemment d'interdire "toute autre fonction, y compris privée".
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