"C'est indéniablement un temps fort commercial aujourd'hui", affirme Abbas Bendali, directeur de Solis, un cabinet d'études marketing. "Les commerces sont très actifs et ont intégré cette période dans leur calendrier, car les pratiquants consomment davantage", poursuit-il.
Ainsi selon lui, les dépenses alimentaires d'un ménage pratiquant le jeûne grimperaient de 40% durant le mois, passant de 282 euros en moyenne à 394 euros. Soit une dépense totale estimée à environ 350 millions d'euros ces dernières années en France.
Un chiffre qui devrait même progresser en 2017, car le Ramadan se déroule sur une période dépourvue de vacances scolaires, donc plus propice à la consommation à l'intérieur de l'hexagone.
"Je dépense deux fois plus que d'habitude !", s'exclame dans un rire Dalila. Cette mère de famille de 58 ans débourse environ 700 euros pour son foyer, composé de deux garçons.
Surconsommation
"J'achète beaucoup plus de boissons, de viande, et pas mal de produits traditionnels sur ce mois, comme les dattes, le lait fermenté ou encore les feuilles de brick", énumère-t-elle, avec l'aide de ses doigts. Sans citer le chocolat, les fraises et la crème chantilly, "pour le plaisir".
"Les musulmans pratiquants vont se faire plaisir et accueillir" de la famille, des amis, pour célébrer chaque soir la rupture du jeûne, "ce qui explique aussi cet impact sur le niveau des dépenses", analyse Abbas Bendali.
Cette surconsommation est une aubaine pour les acteurs de l'industrie alimentaire, qui déploient chaque année une batterie de moyens pour capter cette partie de la population.
A commencer par les prospectus envoyés quelques jours avant le début du Ramadan, où les enseignes n'hésitent pas à mettre en avant les offres promotionnelles sur la chorba (soupe), les épices ou autres produits vedettes de la période. A l'image de Leclerc qui résèrve dans ses publicités des pages "Spécial Ramadan", quand Cora évoque les "Saveurs d'Orient".
Cette stratégie marketing se poursuit aussi à l'intérieur des grandes surfaces. Comme dans cet hypermarché Carrefour, situé dans la petite couronne parisienne, où, dès l'entrée, l'oeil est rapidement attiré par les têtes de gondole où trônent des feuilles de brick dans leur emballage vert bouteille.
Sans compter les nombreuses affiches estampillées "Toutes les saveurs du Ramadan", invitant la clientèle musulmane à découvrir une sélection de produits dans un rayon qui leur est entièrement dédié. Ou encore les quelques ilôts de produits halal alignés le long d'une des allées centrales du magasin.
Même les couscoussiers, poêles et autres accessoires culinaires servent de prétexte pour soutenir les ventes de ces grandes enseignes.
Opération séduction
Une opération séduction qui n'a pas échappé pas à la jeune Sihem. La trentenaire, originaire de Lorraine, a tendance à s'orienter directement dans ces rayons spécialisés, "car tout y est regroupé et donc je gagne du temps en faisant mes courses", raconte-t-elle.
Elle complète parfois ses achats dans des commerces traditionnels -du type supérettes orientales et boucheries musulmanes, marchés- qui, en 2015, totalisaient sur ce segment 55% des parts de marché, selon le cabinet d'études Solis.
Au cours du Ramadan, où elle débourse environ 200 euros, contre une centaine lors d'un mois classique, Sihem achète des produits qu'elle ne consomme pas "en temps normal", comme des pâtisseries orientales et des boissons gazeuses, mais aussi "plus de marques".
Mais elle s'en veut de "gaspiller beaucoup trop de nourriture", avoue-t-elle, écarquillant ses yeux marrons, avant de s'arrêter quelques secondes et de reprendre. "C'est un peu devenu comme Noël, une fête commerciale, alors que c'est un mois sacré", regrette-t-elle.
Si elle n'arrive pas à réduire ses dépenses en alimentation, elle se réjouit toutefois de lâcher du lest sur le shopping. Et dans un large sourire, finit la conversation, comme pour la résumer : "pendant le Ramadan, pour moi c'est +plus de bouffe et moins de fringues+".
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