Avec l'Orquestra Maré do Amanha, orchestre issu d'un projet social fondé en 2010 dans une des favelas les plus violentes du Brésil, cette violoncelliste de 18 ans se produira samedi prochain au Vatican.
Une juste récompense après le rendez-vous manqué des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ). Les jeunes Cariocas auraient dû se présenter devant le pape en juillet 2013, au pied du célèbre Christ Rédempteur du Corcovado, mais leur rêve a été noyé par les intempéries.
"Nous étions très tristes parce que nous avions préparé des morceaux spécialement pour lui. C'est gratifiant de voir tous nos efforts récompensés quatre ans après", s'émeut la jeune femme, dont l'instrument est à moitié couvert par de longues dreadlocks.
Samedi, le rêve de 26 Brésiliens âgés de 14 à 19 ans de jouer devant le pape va se réaliser à l'occasion de l'opération le "Train des enfants" organisée par le Vatican. Dans le public, il y aura aussi 400 enfants issus de régions du centre de l'Italie frappées récemment par des séismes dévastateurs.
Notes étouffées
À 10.000 kilomètres de là, au complexe de Maré, la terre ne tremble pas, mais les échanges de tirs nourris rythment la vie des habitants, otages de la guerre entre narcotrafiquants et des incursions policières musclées qui se multiplient ces dernières semaines.
Selon l'ONG locale Redes da Maré (Réseaux de Maré), 18 morts violentes ont été recensées de janvier à avril dans cet ensemble de favelas qui regroupe 140.000 habitants proche de l'aéroport international de Rio, soit déjà une de plus que toutes celles de l'année 2016.
Lundi, les jeunes de l'orchestre sont montés au Corcovado, où ils auraient dû jouer devant le pape il y a quatre ans, pour participer à une messe la veille de leur voyage, mais deux d'entre eux manquaient à l'appel. Ils ont dû rester enfermés chez eux à cause d'une fusillade déclenchée lors d'une opération policière.
"Nous avons déjà dû annuler beaucoup de répétitions à cause de la violence", regrette Bruno Costa, contrebassiste de 16 ans, dont les notes sont trop souvent étouffées par les détonations.
"C'est très compliqué pour moi de me déplacer dans le quartier avec mon instrument, qui est de très grande taille. Les trafiquants pensent que je transporte une arme dans mon étui, ou même un cadavre", raconte-t-il.
Nouveaux horizons
Le genèse même du projet puise ses racines dans la violence qui touche Rio au quotidien. C'est à Maré que la police a retrouvé la voiture ensanglantée d'Armando Prazeres, célèbre chef d'orchestre assassiné en 1999.
Après plusieurs années de dépression, son fils, Carlos Eduardo, a décidé de se dévouer corps et âme à changer la vie de jeunes des favelas grâce à la musique. Aujourd'hui, le projet est présent dans toutes les écoles du quartier et 2.200 ont eu leur premier contact avec des instruments grâce à l'ONG.
"Beaucoup d'entre eux sont prisonniers de ce monde, leurs horizons sont très limités. Mais aujourd'hui, nos jeunes musiciens rêvent d'étudier à Vienne et de jouer dans des grands orchestres", assure Carlos Eduardo Prazeres.
"Je suis sûre que je peux aller loin si je travaille dur. Mon rêve, c'est de jouer pour l'orchestre philharmonique de Berlin", annonce Debora, qui est tombée amoureuse du violoncelle en écoutant la première suite de Bach sur internet.
À Rome, le répertoire sera plutôt composé de classiques de la musique érudite et traditionnelle brésilienne, mais aussi un clin d'oeil au pape François, avec deux tangos argentins, d'Astor Piazzolla et Carlos Gardel.
Le pape François recevra aussi en cadeau un violon blanc signé par les jeunes musiciens, qui espèrent en ramener un autre à Rio, avec un message spécial écrit de la main du pape pour leurs camarades restés à Rio.
"Ce qui me fait mal, c'est qu'aujourd'hui ils ne rêvent que de quitter Maré, parce que les conditions de vie sont trop difficiles. Je voudrais changer ça, montrer que la paix est possible", conclut le fondateur de l'ONG.
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