Sous le soleil de plomb, Joseph traîne ses claquettes. Pour la prière de 14H00, il arrive devant la "mosquée Bangladesh", comme on appelle le Centre culturel islamique bangladais, un lieu de culte coincé entre un garage et une imprimerie.
Il vient là depuis novembre, date de la fermeture de la mosquée Al-Rawda. "Avant, je n'avais qu'à traverser la route, maintenant, je dois marcher".
La mosquée Al-Rawda n'est qu'à quelques rues de là. Mais, avec la chaleur et la fatigue du jeûne, les cinq allers-retours quotidiens pour la prière sont difficiles, explique à l'AFP cet homme de 52 ans, qui ne travaille pas à cause d'un handicap.
Abdel Halim, 39 ans, barbe noire, regrette lui aussi le "confort" de la mosquée Al-Rawda et sa grande salle de prière en sous-sol. "Ici on est serrés, il fait chaud".
Leur mosquée habituelle a été fermée dans le cadre de l'état d'urgence, pour cause de menaces à l'ordre public. Les autorités lui reprochaient notamment d'avoir accueilli des figures du jihad, dont Fabien Clain, voix de la revendication des attaques du 13 novembre 2015.
Mi-mai, le ministère de l'Intérieur a autorisé sa réouverture, sous certaines conditions, dont l'installation de caméras de vidéosurveillance. L'imam qui y officiait, jugé trop "radical", doit aussi être remplacé.
La réouverture, d'abord annoncée pour le 19 mai, a été décalée. Le temps que les travaux de mise en conformité aux normes de sécurité soient réalisés et validés par les autorités, assurent ses responsables.
Alors, dans la mosquée on s'active. Jamel, un cadre de 52 ans, est venu donner un coup de main. En attendant la réouverture il va, comme beaucoup de fidèles, prier "à gauche à droite", à Saint-Denis, ou à Garges, dans le département voisin du Val-d'Oise. Mais pour le ramadan c'est plus gênant: "Les nuits sont courtes, on a peu de repos". "C'est mieux si on peut aller à côté”.
Mosquée 'cinq étoiles'
Salih Attia, président du centre culturel franco-égyptien, l'association qui gère la mosquée, supervise les derniers travaux. Cet après-midi, ce sont des murs en béton qui doivent être cassés pour agrandir les portes à la dimension exigée. "Il ne reste plus que ça et tout est fini!", assure avec un grand sourire ce costaud d'une cinquantaine d'années. Il espère rouvrir la mosquée vendredi prochain et montre fièrement les travaux réalisés: "Ici, le système de désenfumage, là, la rampe pour handicapés".
Pour lui, la fermeture et les travaux exigés ont finalement transformé son lieu de culte, situé dans un ancien entrepôt, en "mosquée cinq étoiles".
Une "mosquée c'est comme Carrefour, je ne peux pas contrôler tous ceux qui y entrent", fait-il valoir, tout en montrant les caméras de surveillance tout juste installées.
Une mesure qui passe mal auprès de certains. "Est-ce qu'ils mettent des caméras dans les églises?", lance Fatou, voile et abaya noire, une comptable de 29 ans venue prier à la "mosquée Bangladesh".
Aux yeux de la jeune femme, qui allait prier à la mosquée Al-Rawda quand son travail le lui permettait, l'ancien imam, connu sous le nom d'Abou Hatim, n'était "pas un radical". Son amie Myriam, 28 ans, voile rose sur les cheveux, enchaîne: "De toutes façons, ça ne sert à rien de débattre, nous les musulmans on a toujours tort".
Salim, 28 ans, barbe et tunique noire, est plus mesuré. Les caméras de surveillance: pourquoi pas, "si ça peut sécuriser certaines mosquées"? "Avec les temps qui courent, va falloir faire avec".
Abdel Halim s'en amuse: "On a déjà Dieu au-dessus de nos têtes qui nous surveille. Les caméras, ça ne change rien".
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